Les connaisseurs et amateurs de rock 70’s doivent se réjouir de l’arrivée du quatrième album des suédois de Siena Root. Malgré quelques changements dans la composition du groupe, notamment avec le départ du guitariste / chanteur Sarthez remplacé au pied levé par une chanteuse, le noyau dur de la formation est toujours bel et bien en place. En effet, Sam Riffer, KG West et Love Forsber sont une fois de plus d’attaque pour présenter leur petit dernier, "Different Realities".
Toujours fidèle à une production très naturelle, ce nouvel opus de Siena Root s’aventure bien davantage sur le terrain mouvant et illuminé du psychédélisme post 70’s. Si son prédécesseur "Far From The Sun" dégageait une énergie forte des évaporations de cette folle époque, "Different Realities" se confine franchement dans la subtilité et les ambiances acoustiques et planantes. Majoritairement instrumental - car deux titres seulement sont chantés - cet opus dégage une sévère odeur d’encens qui s’associe fidèlement à une imagerie pailletée et colorée très beatnik. L’utilisation presque abusive du sitar sur un disque estampillé "rock", notamment sur l’enchaînement de pas moins de cinq morceaux (à partir de "Bairagi" jusqu’à "Shree"), plombe quand même sérieusement l’ambiance. Même si le feeling restitué demeure cependant profond et presque palpable, la longueur finit indubitablement par lasser.
Heureusement, il reste trois pièces maîtresses bien charpentées pour rassurer l’auditeur quelque peu dérouté par cette abondance de notes venues de lointaines et exotiques contrées. Le titre d’ouverture est particulièrement réussi de par sa texture douce et nonchalante, provoquée par la voix de Janet Jones Simmonds qui annonce forcément une montée en puissance, fort bien amenée d’ailleurs par la guitare chahuteuse de KG West. Le riff bien senti et les soli contrebalancent efficacement la face acoustique de cette longue pièce. S’ensuit quelques instants plus tard "Over The Mountain", dont l’introduction très "acid-jam sixties" laisse transparaître des influences du Floyd époque Syd Barrett. Ce morceau se révèle également très intéressant par sa structure riche et alambiquée.
"Jog" clôture l'album dans ce contexte instrumental bordé par le début des seventies. Le sitar est utilisé plus parcimonieusement et vient donner la réplique à la guitare facétieusement électrique et saturée d’un KG West au phrasé assez proche de Ritchie Blackmore. Le finish en forme d’échanges entre la flûte et la six cordes rappelle en quelque sorte ceux fusants que l’homme en noir se faisait un plaisir de partager avec Jon Lord.
"Different Realities" s’impose donc comme un album aussi intéressant que déroutant. Siena Root n’hésite pas aller au fond des choses tout en prenant quelques risques, qui finalement différencient assez nettement cette production de la précédente. Ce véritable emballement pour la fin des années soixante, début des années soixante dix est bien entendu tout à l’honneur des musiciens. En tout cas, l’écoute attentive de "Different Realities" en fait une œuvre totalement en phase avec le quarantième anniversaire du légendaire festival de Woodstock. Une manière somme toute bien personnelle et vibrante de rendre hommage à tous ceux qui ont participé, qu’ils soient simples spectateurs ou musiciens de génie, à ce rassemblement dont on reparlera certainement pendant longtemps encore.