Je me dois de reconnaître mon ignorance. Emil Bulls existe depuis 1995. "Phoenix" constitue même déjà sa septième (!) sortie et je n'ai encore jamais entendu parler de ces Allemands ! C'est donc avec curiosité, teintée d'un brin de méfiance tout de même, que je me lance dans l'écoute du successeur de "The Black Path", apparemment un beau succès Outre-Rhin l'an dernier. Ceci dit, il n'est pas nécessaire de patienter jusqu'aux dernières mesures de "I Don't Belong Here", treizième et ultime piste de ce menu sans saveur particulière pour comprendre pourquoi ce groupe peine à dépasser les frontières de son sol natal.
"Phoenix", nonobstant des qualités certaines tant d'écriture que d'interprétation (l'ensemble est solide, carré) fait partie de ces albums agréables à l'oreille, que l'on s'enfile une fois, deux fois, trois à la rigueur mais guère davantage, avant de lui laisser prendre la poussière sur les étagères bien chargées accueillant la collection d'autres rondelles digitales. Car là où le bât blesse, c'est qu'Emil Bulls (quel curieux nom !) donne l'impression de manger à tous les râteliers. De fait, lui reconnaître une vraie personnalité tient de la gageure. Ainsi, "Here Comes The Fire", "The Storm Comes In" ou bien encore "Infecting The Program", toujours coupés par des refrains mélodiques, se parent des attributs propres au metalcore à la mode (pour combien de temps encore ?) qui s'abreuve fortement à la source du death mélodique à la suédoise (In Flames, Soilwork...) tandis que des chansons telles que "When God Was Sleeping" ou "The Architects Of My Apocalypse" se noient dans les méandres du rock métal moderne sur fond de rythmique appuyée et de lignes vocales ad oc.
C'est parfois un peu mièvre ("Triumph And Disaster", "Son Of The Morning" malgré des riffs efficaces), par moment plus inspiré (l'intro de "Man Overhead", secouée par des assauts à la batterie assez sympathiques, le puissant "Time", le relativement lourd "Nothing In This World"...). Les refrains sont soignés et l'ossature des titres, calibrés comme il se doit, ne s'effrite pas trop vite. Mais en revanche, l'originalité est à rechercher du côté des abonnés absents ! Tout comme la variété, la plupart des compositions finissant par se confondre les unes avec les autres, hormis peut-être "It's High Time" et la seule ballade "I Don't Belong Here", peu réussie pourtant car inutilement longue et lorgnant trop vers les rivages de la pop pour radio.
Cet album n'a donc ni la flamboyance ni la majesté de l'oiseau mythologique qui lui a donné son nom. Reste une poignée de chansons accrocheuses parfaites comme fond sonore lorsque vous invitez des amis qui veulent s'encanailler un peu mais pas trop...
Emil Bulls, je ne connaissais pas. Ce n'était donc pas si grave...