Les expériences ésotériques liées à la composition de "Passion & Warfare" hantent encore Steve Vai en 1996. Malgré deux albums intermédiaires (Sex & Religion et Alien Love Secrets) Steve n’a d’autres solutions que de mettre en musique et en mots ces rêves marquants, et c’est dans le magistral "Fire Garden" (qui devait s’appeler Fire Coma) que prennent vie ces images. Grâce à la technologie moderne Steve Vai va faire tenir sur un seul disque ce qui devait être un double album de 74 minutes. Il gardera quand même la structure initiale en divisant l’album en deux phases, la première plutôt instrumentale et la seconde laissant place à une majorité de chansons. Bon nombre de musiciens viennent apporter leur maîtrise sur cet album. Les anciens comme Deen Castronovo ou Stu Hamm sont là mais d’autres batteurs de grand talent font leur apparition comme Robin DiMaggio ou Mike Mangini (Extreme).
La détonation de 'There’s A Fire in The House' et les sirènes qui suivent signalent le départ des hostilités et exigent l’attention entière des auditeurs pour les dix-huit titres à venir. C’est un mur de son qui s’abat sur nos oreilles avec une densité et une épaisseur palpables. On sait déjà que le disque présent sera difficile à ingurgiter et pour aider à la digestion, il sera émaillé de courts interludes vocaux de quelques secondes laissant l‘imagination de Vai s’exprimer et ayant la vertu de faire descendre la pression. 'The Crying Machine' est un morceau très léger joué à deux guitares (Steve voulait la présence de Carlos Santana en tant que deuxième guitare mais ça ne pourra pas se faire). On reconnait du Jimi Hendrix dans ce petit bijou où le groove de Greg Bissonette fait mouche. La ballade 'Dyin’ Day' est fabuleuse et son mélange guitare acoustique et électrique est un modèle de composition alors que la fameuse septième composition, 'Hand On Heart' est une belle ballade s'inscrivant dans la tradition du genre.
La clôture de la première phase se fait par deux morceaux formant une pièce de près de treize minutes. 'Bangkok' est un court instrumental acoustique plein d’énergie avec de belles harmonies orientales, qui ouvre sur le morceau le plus progressif de la carrière de Steve Vai, 'Fire Garden Suite' qui se développe en quatre temps. Entre gros métal progressif et passages plus atmosphériques, cette composition profite de la présence de Mike Mangini.
La seconde phase, dédiée principalement aux chansons, débute vraiment avec 'Little Alligator'. Première originalité, Steve Vai chante et il s’en sort très bien. Parmi les compositions très dynamiques, on trouve 'Aching Hunger' et ses percussions programmées mais fulgurantes, un 'Genocide' sous la forme d’un énorme gospel moderne et 'Damn You' qui est un bon gros rock plus classique. Les ballades sont un des nombreux atouts de ce Fire Garden. Steve Vai rend hommage à ses frères et son père dans le poignant 'Brother' mais une des plus belles chansons composées à ce jour par l’Italien est 'All About Eve' qui nous propose une mélodie éthérée dans un écrin acoustique. Le chant de Steve est assuré et vecteur d’une émotion intense. L’album se termine alors sur un instrumental d’une beauté émouvante et d’une quiétude enchanteresse. Il n’y a guère que la grosse basse qui puisse vous garder au sol car le son et le toucher déployés par Steve Vai vous transporteraient à des altitudes vertigineuses.
"Fire Garden" démontre un talent de composition sans cesse renouvelé avec de bien belles orchestrations et un talent confirmé d‘auteur. Artiste très prolixe qui saura multiplier les concepts et les projets divers avec notamment la réunion du G3 sous l’égide de Joe Satriani, Steve Vai nous offre avec Fire Garden son deuxième chef d’œuvre, surpassant en de nombreux point l’énorme "Passion & Warfare". S’il y a deux albums à posséder, ce sont bien ces deux-là.