Après leur excellent album éponyme paru en 2006, on était en droit d’attendre le meilleur de SUFFOCATION. La claque qu’assène le premier titre, « Blood Oath », laisse d’ailleurs penser que les New-Yorkais ont enfin tous les éléments en main pour franchir un cap dans leur carrière. Leur récente signature chez Nuclear Blast et la qualité de la production de ce dernier album devant au surplus leur permettre d’asseoir leur statut de leader du Death Brutal.
Et ce ne sont pas les excellents « Dismal Dream » et son break titanesque, « Pray For Forgiveness » et son solo époustouflant, ou bien « Images Of Puragory aux parties de guitares puissantes et complexes, qui pourraient faire penser le contraire. Le chant growl de Frank Mullen semble toujours aussi habité, les guitares sont aussi à l’aise dans la lourdeur des rythmiques que dans la précision des soli, et la section rythmique supporte l’ensemble avec un tranchant sans défaut. Mike Smith (batterie) est à cet égard assez bluffant.
Le groupe ne baisse pas la garde par la suite et enchaîne les morceaux ultra violents et malsains comme si de rien n’était. Le niveau technique et l’inspiration sont à leur sommet, et SUFFOCATION semble maîtriser totalement son sujet. Et c’est peut-être là que le bât blesse un peu. Cette maîtrise, ce savoir-faire, cette science du Death que possède le groupe, s’expriment un peu trop au détriment de la spontanéité et de la fraicheur (est-ce réellement le bon terme à utiliser pour parler de ce style ?) qui faisaient une grande partie du charme de SUFFOCATION.
On se surprend alors à décrocher un petit peu sur certains morceaux qui tournent en rond. Vérification faite, et à l’exception du très bon « Underserving », ce sont tous les morceaux dépassant les quatre minutes qui génèrent ce sentiment. Là où SUFFOCATION se fait moins direct, il perd en efficacité, en hargne. Un peu comme si sa recherche de technicité et de complexité le rendait moins percutant et moins tranchant.
Enfin, n’exagérons pas trop, nous avons bien là affaire à du brutal de chez brutal. Il n’y a qu’à écouter « Marital Decimation » pour se convaincre que nous avons affaire à du très lourd. Si vous recherchez de la mélodie, vous risquez fort d’en être pour vos frais. Ce titre est une reprise de leur second album (« Breeding The Spawn » – 1993). Le groupe est en effet coutumier du fait et réenregistre un à un tous les titres de ce disque en les plaçant sur ses nouveaux albums. Ainsi, il a déjà repris « Breeding The Spawn » sur l’album « Pierced From Within » (1995) et « Prelude To Repulsion » sur « Suffocation » (2006). Certains trouveront certainement assez symptomatique que ce qui est probablement le morceau le plus violent de « Blood Oath » soit issu d’un des premiers albums du groupe. Je ne partagerai pas cet avis.
S’il est clair qu’avec ce nouvel opus, SUFFOCATION n’a pas accouché de son Chef-d’œuvre ultime et peine parfois un peu à se renouveler, il n’en demeure pas moins que le groupe nous propose des titres qui oscillent entre le très bon et le moyen (mais jamais le mauvais), et que cela suffit amplement pour le positionner largement au-dessus du lot. Si les fans se régaleront, les autres auront plutôt intérêt à découvrir le groupe via son album éponyme, avant de déguster (recevoir en pleine tronche ?) ce « Blood Oath ».
Il est à noter que l’album est proposé avec deux bonus instrumentaux, dont l’un, « Pray For Forgiveness (Rough Mix Un-mastered) », prouve à quel point les musiciens assurent au niveau technique. A l’écoute de ce titre aux influences Prog très prononcées, il devient clair que la violence musicale est bien pour eux un choix assumé et non un moyen de cacher une quelconque médiocrité technique. Impressionnant !