Quand des membres de Cynic et de Textures décident de fêter la musique cela donne Exivious. On connait l’originalité et la forte personnalité de ces deux groupes qui pratiquent, pour résumer, une musique progressive extrême mais on en est pas moins surpris d’entendre le résultat de leur union. Car Exivious est un disque instrumental mélangeant avec un savoir faire stupéfiant le métal et le jazz. Concernant les musiciens, ce sont Tymon Kruidenier (guitare) et Robin Zielhorst (basse) de Cynic et Stef Broks (batterie) de Textures allié à la guitare de Michel Nienhuis (Sengaia) qui forment cette association sans autre limite que le pur plaisir de jouer de la musique.
Le concept de l’album se base sur la notion de choix et celui-ci est exploité jusque dans l’édition limitée à 1000 exemplaires de l’album. En effet, sur l’artwork de l’album figure une multitudes de lignes inter croisées qui représentent autant de chemin possible dans une existence. Chaque exemplaire possède un poster unique avec pour la copie numéro 1 une seule ligne représentée, l’exemplaire 2, deux lignes, etc…
Autant le dire de suite, Exivious est un disque assez difficile à pénétrer si vous n’êtes pas familier des albums instrumentaux de jazz-fusion ou de métal progressif. Les mélodies sont bien dissimulées au milieu de séquences rythmiques très complexes. Un morceau comme « Ripple Of A Tear » laisse partir une basse fretless très expressive et un riff de guitare qui colore le tout. Pour plus de lisibilité, Exivious nous gratifie d’un « All That Surrounds Pt1 » plus épuré et plus atmosphérique dans la veine d’un Shawn Lane. D’ailleurs la basse et l’ambiance de ce morceau fait irrémédiablement penser au travail de Jonas Hellborg avec ses multiples projets orientaux.
Avec ce disque totalement autoproduit, Exivious s’affirme avec la liberté qui caractérise la musique jazz. Les chorus sont définitivement jazz quand les phrasés et les rythmiques de liaison sont rock. Dans « Time and Its Changes » ou « Embrace The Unknown » on retrouve la nervosité des balayages de Textures avec un son moins tranchant que lors de leurs démonstrations death progressives. Les musiciens ont trouvés leur son et leurs particularités dans un beau mélange de sonorités, parfois dérangeant aux premiers abords. On retrouve la complexité des tempos familiers de Cynic et Textures dans « Asurim » et « Waves of Thought ».
La déferlante a aussi ses nombreux moments de répit avec « All That Surrounds pt2 » ou « The Path ». La présence de sonorités plus habituelles du jazz (on dirait un saxophone) dans « Embrace The Unknown » vient ajouter à la densité musicale de l’ensemble. Paul Masvidal vient y poser un solo très inspiré du maître Pat Metheny. Citons le puissant et rapide riff joué en alterné du dernier morceau « An Elusive Need » qui donne le ton à un excellent titre très progressif.
Les guitaristes ne pourront que se délecter à décortiquer les structures hyper travaillées d'Exivious. Il est inutile d’appuyer le fait que les musiciens sont d’une parfaite maîtrise avec une section rythmique jouissive et des solistes gratteux autant à l’aise en métal qu’en gammes jazz. La production, quant à elle, est précise et soignée, laissant une place prépondérante à la basse. Etant particulièrement friand des formations jazz-rock, j’ai toujours apprécié l’incursion d’une dose de métal dans ce genre de composition. Exivious est plus métal que MCM mais moins ésotérique que Bozzio Levin Stevens et vient s’intercaler quelque part entre Liquid Tension Experiment et Frank Gambale. Si le disque paraît très opaque aux premières écoutes, les structures et les idées s‘éclairent rapidement pour apporter à un réel plaisir à son écoute.
Exivious tourne depuis quelques jours en boucle sur ma platine et il y a fort à parier qu’il fera parti des sorties majeurs de l’année en fusion instrumentale. Puisse cette expérience nourrir encore l’incroyable créativité de chacun des membres dans leur formation respective.