Arctic Plateau ou l’expression très personnelle d’une âme rêveuse, celle de Gianluca DiVirgilio, simplement secondé par quelques musiciens. Il ne peut en être autrement avec cette œuvre d’une mélancolie si prononcée que nous la classerons dans la catégorie post-rock, quelques parallèles avec de grandes références de ce style pouvant être effectués. Un musicien qui est inspiré par le silence absolu ou la mer ne saurait être foncièrement inintéressant, et ce sont souvent les poètes qui peuvent se targuer de telles influences dans leur art.
Car poésie il y a dans ce On A Sad Sunny Day qui donne déjà dans le paradoxe avec son titre et sa pochette aux arrières-goûts sépia de vacances à la plage. Pour essayer de situer le travail de DiVirgilio, nous pourrions citer les noms d'un Steven Wilson dans ses mélodies les plus déchirantes, ou d'un Oceansize revisitant Richard Wagner voulant mettre Schopenhauer en musique. Mais ce ne serait qu'effleurer le propos de l’Italien.
Autant le dire tout de suite, Arctic Plateau nous offre un disque qui éveille le côté tragique de l’auditeur. Mais comme toute bonne philosophie de la nécessité, après les premiers sentiments pesants vient l’occasion du dépassement pour consentir à la beauté des mélodies. Ce disque motive aussi l'esprit créatif de chacun en faisant émerger à la surface de nombreux souvenirs colorés du temps qui a passé et qui s’exprime en nous en termes de mélancolie et de poésie. Même pour cette chronique, la tentation de faire des belles phrases est plus forte que la volonté de concision du rédacteur. Gianluca DiVirgilio a gagné son pari de nous faire basculer là où il veut nous emmener, et les tempéraments trop rigides ou effrayés par cette chute vertigineuse rejetteront ce disque avec toute l’énergie de leur propre désespoir.
Les morceaux "Lepanto", "In Epica Memories" et "Iceberg Shoegaze" sont entièrement instrumentaux avec des balayages à la guitare très caractéristiques d’Oceansize. Le shoegaze justement est un style musical revendiqué par Arctic Plateau qui mélange guitares aériennes et effets planants.
La voix de Gianluca DiVirgilio ne vient que pigmenter les tableaux qu’il a esquissés pour nous. "Amethyst To #f" révèle de bien belles mélodies vocales et "Alive" laisse passer quelques cris qui font froid dans le dos mais qui expriment toute la vitalité d’une œuvre noire. Le disque se clôture avec "In Time" qui, bien plus rythmé (et plein de groove !) que le reste de l’album, prend l’auditeur par surprise. Sorte de rencontre entre U2 et Anathema, il s'agit bien la meilleure façon de finir cet album lourd et éprouvant.
On A Sad Sunny Day est un disque à la mélancolie exacerbée qui ne peut laisser insensible pour toutes les raisons données précédemment. Mais là où Oceansize sait faire exploser ses morceaux, Arctic Plateau se cantonne aux mêmes impressions, donnant l’effet d’une grande cohérence mais nourrissant aussi la principale critique que l’on peut émettre sur cet album. J’aime trop Oceansize pour ne pas apprécier ce disque, mais pour la même raison il me manque quelque chose de l’énergie des Mancuniens pour adhérer complètement. Rien que pour l’introspection que cette musique provoque chez l’auditeur, je ne saurais que trop vous conseiller son écoute. Et n’ayez pas peur, il ne s'agit que de vous.