En plus d’être le titre du premier roman d’une lauréate suédoise du prix Nobel, Gösta Berlings Saga est depuis 2000 une formation originaire de Stockholm et qui, avec « Tid är Ljud » sorti en 2002, avait déjà posé les bases de leur rock progressif instrumental aux influences notamment caméliennes.
Ce quartet ne semblent d’ailleurs toujours pas franchement enclin à faire évoluer un style vieux de plusieurs décennies, renouant fièrement avec un passé prestigieux et laissant flotter une atmosphère quelque peu surannée tout au long de ces 53 minutes. Et ça commence dès « Kontrast » aux constructions alambiquées et au feeling malicieux plus proches de King Crimson. Le combo met déjà en avant une technique bien rodée, une grande richesse dans l’orchestration ainsi qu’une solide production. Sans véritables remous ou exubérances, « Detta Har Hänt » évite de tomber dans les imbroglios démonstratifs mais crée une musique ambiguë car tantôt complexe, très travaillée et tantôt plus aérée, bercée par les palpitations jazzy d’ Alexander Skepp derrière ses fûts.
Malgré un goût prononcé pour les années 70, ce n’est pas pour autant que les Suédois se laissent guider par une unique ligne directrice. Le ticket d’achat prévaut pour la traversée de plusieurs univers. Ainsi, à la mystérieuse « Sorterargatan 3 » reprenant pour partie le thème de James Bond, titre chaud et l’un des plus emphatiques de l’album, se succèdent des moments plus langoureux où pianos et orgues (« Svenska Hjärtan ») ou une simple guitare seche (« Innilegur ») nappent l’ambiance d’une douce nostalgie.
Et lorsqu’il ne se place pas en introduction d’un titre (« Fem Trappor » où la cadence des cymbales et de la spirale électronique rappelle celle de « On The Run » des Pink Floyd), le psychédélisme de Gösta Berlings Saga investi de toute sa force tranquille un pavé entier intitulé « Västerbron 05 :30 ». Guitare frénétique, batterie surchauffée, le rythme est plus exalté que jamais en cette fin d’album ; les suédois se lâchent sur la longueur à la manière d’un Jimmy Hendrix.
Ce groupe de suédois ne s’est apparemment pas battu pour conquérir des terres encore vierges, développer de nouvelles sonorités mais a su cultiver son jardin parmi les siens et a finalement puisé son inspiration au sein des grands noms du rock seventies. Un album réussi par la qualité de ses interprètes et par sa beauté nuancée.