Quoi de neuf chez Porcupine Tree ? A cette question, les détracteurs du groupe répondent, avec un geste tranchant et définitif de la main : rien ! Les aficionados, quant à eux, argueront que le combo anglais poursuit son exploration du progressif atmosphérique, en épurant le style tout en conservant les contrastes qui sont une des marques de fabrique de l’Arbre Au Porc-épic.
Il est peu probable que The Incident, leur dernière production, change quoique ce soit dans les positions des pro- et des anti-PT. En effet, faisant preuve d’une magnifique constance de conception, Steven Wilson nous livre ici un condensé de son savoir-faire, toujours épaulé par les mêmes musiciens, le discret mais indispensable Richard Barbieri aux claviers, Colin Edwin et sa basse inspirée et bien sûr l’immense Gavin Harrison, toujours aussi impressionnant dans son génie à utiliser sa batterie non seulement comme outil de percussion, mais bien comme un ensemble d’instruments à part entière.
Le credo de ces musiciens exceptionnels semble bien être de mettre leur talent au service d’une musique plus atmosphérique que jamais. Et c’est bien là que se vit l’album : l’auditeur apprécie-t-il ce type de musique ou non ? L’atmosphérique peut se définir comme un genre qui mettra la composition au service des ambiances (“atmosphères”), plutôt que de délivrer des développements purement harmoniques (variations mélodiques, rythmiques ou harmoniques). En ce sens, le style vise dans ses formes les plus abouties à faire preuve d’une économie de moyens qui va réussir à installer une ambiance le plus efficacement possible. Certains groupes comme Ayreon, par exemple, utilisent des éléments atmosphériques pour enrichir leur musique (les bruits “spatiaux” sont légion dans les compositions d’Arjen Lucassen), mais ils ne sont qu’un élément au service d’un ensemble plus vaste (le plus souvent un space opéra chez Ayreon). Avec Porcupine Tree, nous approchons de l’essence du style atmosphérique, la sobriété d’interprétation et de composition étant tendue vers l’obtention d’un climat précis. Le morceau d’ouverture Occam’s Razor représente en ce sens une parfaite illustration d’un titre typiquement atmo.
La marque de fabrique de PT est de plaquer sur ces ambiances ciselées des riffs tendus, incisifs, précis, qui contrastent et mettent encore le propos en relief. Pour que le procédé soit efficace, la production se doit d’être infaillible, et en ce domaine, Steven Wilson n’a plus rien a prouver : le disque bénéficie de sa patte inimitable qui en fait un des meilleurs (sinon le meilleur) au monde. Chacun des éléments apportés par les musiciens est ainsi superbement mis en valeur, et notamment le travail des percussions (écoutez la fin d’Octane Twisted ou l’intro de Drawing The Line). Comme à son habitude, Steven montre aussi qu’il sait superbement utiliser les choeurs (Kneel and Disconnect) et construire des morceaux dans la plus belle veine du Prog : Time Flies, en plus de dix minutes, ou Octane Twisted, en moins de cinq, en sont de remarquables exemples.
Et pour rajouter de la cohésion dans l’ensemble, Steven a pris soin de lier les titres du premier CD en enchaînant les morceaux (remarquable liaison entre Great Expectations et Kneel and Disconnect, ou entre The Seance et Circle of Manias) et en utilisant des rappels de thème Occam’s Razor - Degree Zero of Liberty ou The Seance - Blind House. Ce premier CD réussit donc une synthèse remarquable de la musique selon Porcupine Tree, et nous pouvons lui pardonner quelques facilités comme le refrain redondant de Drawing the Line ou le manque de consistance du morceau-titre.
Il apparaît donc d’autant plus regrettable que le second CD soit tant éloigné, dans l’esprit et le niveau, du premier. Leur seul point commun est probablement leur simultanéité d’enregistrement... Ces quatre titres ne sont pas foncièrement mauvais, mais bien oubliables et différents dans l’esprit : il est difficile de comprendre leur présence à coté de l’ensemble remarquable du premier disque !
A l’écoute de "The Incident", les “anti-” trouveront encore et toujours que l’atmosphérique repose sur des compositions plutôt faciles, usant des répétitions, et s’encombrant de riffs assommants. Les “pro-”, quant à eux, se jetteront sur ce modèle que Porcupine Tree peaufine depuis des années et a amené à un niveau tout à fait remarquable. La petite fausse note du deuxième album le prive cependant de la note maximale !