Arrivés à un certain moment de leur existence, rares sont les grands groupes qui sont parvenus à tenir le cap, de leur line-up ou de leur intégrité musicale. Certaines formations pratiquent ainsi une valse de leurs membres qu’il est parfois difficile de suivre pour le néophyte, mais qui donnera la chance au connaisseur averti d’accompagner ses idoles d’un jour dans leurs différents projets. Telle est par exemple l’histoire de Grave Digger, emblématique groupe de la scène Heavy Metal allemande, qui a pratiqué la déconstruction avec une assiduité jamais démentie en 25 ans de carrière.
C’est donc chez Grave Digger qu’il faut chercher une partie de la genèse de Rebellion, ce quintette germanique apparu à l’aube des années 2000 abritant en son sein Uwe Lulis, qui officia en six-cordiste du fossoyeur dans les années 90 et Tomi Gottlich, qui lui prêtait alors main forte à la basse à cette même période. A ce line-up alléchant vient s’ajouter l’excellent Michael Seifert, cordes vocales de Black Symphony. On ajoutera Bjorn Eilen en seconde guitare, et Randal T. Black derrière les fûts pour voir naître un groupe de heavy velu, dans la plus pure tradition teutonne.
Après deux albums moyens, pour ne pas dire médiocres, Uwe Lulis semblait avoir retrouvé la voie sacrée du riff en reprenant à son compte ce qui pour Grave Digger avait déjà été une excellente idée : la trilogie médiévale. Et c’est alors que pif paf boum : Rebellion passe subitement du statut de groupe en quête d’identité, cherchant désespérément à s’affranchir de ses aînés, à celui de groupe phare du Heavy épic, sortant coup sur coup deux albums irréprochables et dévastateurs.
Le cadre étant posé, voici donc que s’achève aujourd’hui cette trilogie nordique, et trêve de suspense, le couronnement est à la hauteur des batailles qui l’ont précédé ! Se rapprochant à s’y méprendre des sonorités d’un Amon Amarth et mettant à profit des trames Heavy à travers des riffs plus secs ou quelques moments de bravoure en matière d’ambiance à l’instar des 9 minutes de Thor, Rebellion pose la dernière pierre sur ce qui pourrait bien rester comme le concept Heavy de cette décennie.
Nous sommes bien loin des débuts sombres et lents de l’extraordinaire Sagas Of Iceland, et l’on pourra même noter une nouvelle évolution dans la déferlante de rythmiques en granit auxquelles le quintette soumet nos oreilles conquises dès les premières notes. « War », « Arise » et « Asgard » assènent les premiers coups de haches, mettant à profit un chant guttural parfaitement maîtrisé. « Odin », « Runes » et « Bolverik » reviennent à des sonorités plus heavy, tirant parti de vocaux plus écorchés mais toujours impeccables. C’est alors « Thor » qui nous embarque sur son Drakkar pour une longue traversée symphonique et épique à souhait. Les chœurs irréprochables nous portent, tandis que s’égrainent quelques notes de guitare sèche venant tracer de bien belles embrasures sur la coque du navire.
On repart alors pour une face B remettant à profit l’éventail des talents de nos compagnons, du Thrashisant « Evil » aux très Power « Loki » et « Ragnarok », en repassant par le Heavy « Prelude ». La boucle est enfin bouclée sur une « Einherjar » qui brandit fièrement le flambeau d’une ballade épique prenante, variant intelligemment les ambiances.
History Of The Vikings est un tout, une entité rageuse, sombre, dense, belle. Parfaitement documentée, cette fresque nous fait revisiter avec un talent mélodique jamais pris en défaut certaines des plus belles pages d’une mythologie infiniment riche. Reste à savoir quel sera désormais le destin de Rebellion, mais gageons qu’après une telle épopée ils tenteront à nouveau de nous emmener vers d’autres contrées toutes aussi riches !