Alors qu'il poursuit sa carrière en solitaire après le split de Soundgarden (1997), Chris Cornell est proposé par le producteur Rick Rubin (Slayer, Red Hot Chili Peppers, Johnny Cash…) pour tenir le micro au sein des musiciens de Rage Against The Machine, devenus orphelins depuis fin 2000 d’un Zach de la Rocha fatigué des conflits internes récurrents. Tout va très vite et lorsque la nouvelle entité rentre en studio début 2001, dix-neuf jours auront suffit pour écrire vingt et un titres. Seuls quatorze composeront cet album sobrement intitulé "Audioslave".
Etonnement, Chris Cornell ne sera responsable que des textes pendant que le reste des membres les mettront en musique. Surprenant quand on connaît le talent de songwritter de Cornell, mais surtout les prises de positions politiques du trio de Los Angeles. Ceci dit, les thèmes abordant désormais spiritualité et questions philosophiques n’empêcheront pas de revoir débouler sur cet éponyme des rythmes familiers de l’ère Rage Against The Machine.
A ce titre, "Cochise" n’aura sans doute pas pris surpris les fans curieux d’entendre le résultat de cette alliance inédite. Guitare groovy - pour l’anecdote, l’effet d’introduction a été crée par accident par Tom Morello alors qu’il passait le stylo lui servant à noter sa partition sur les cordes de sa guitare - riff au punch imparable, chant racé de Cornell, si le projet ne propose pas une nouvelle lecture du rock, il peut cependant rassurer par sa cohérence.
A côté de ces titres Metal, agrémentés par endroit de soli et d’effets de guitares par un Morello toujours aussi inventif, se greffent quelques power ballades, simples mais précieuses, parfois aux frontières du folk ("Like A Stone", "I Am The Highway"), voire lumineuses ("The Last Remaining Light"). A la croisée entre aspérité et douceur, "Shadow Of The Sun" commence par des arpèges nostalgiques et une mélopée tranquille de Cornell, monte lentement en puissance pour finir sa course dans un flot de riffs lourds et d’âpres vociférations. Quelques îlots de calme relatif dans cette mer électrique, parmi lesquels "Gateway Car", viennent apporter de leur côté une note blues encore apaisante.
La réunion de deux anciennes légendes du metal des années 90 a donc trouvé une légitimité toute particulière et la crainte des fans de ne retrouver qu’une formation hybride additionnant sommairement les critères de chacun, n’a plus vraiment lieu d’être. Pour preuve, le public a répondu favorablement puisque plus de cinq millions de copies se sont vendues à travers le monde. Un album sans doute perfectible mais qui laissera une trace indéfectible dans les mémoires.