Le Rock Progressif Néerlandais est loin d'être inexistant, et ce depuis longtemps. Il est néanmoins moins relevé que celui produit en Grande Bretagne, Aux Etats Unis ou en Suède, exception faite d'Arjen Anthony Lucassen et ses projets divers et variés (et peut-être d'autres, ponctuellement). Alors, Profuna Ocean, nouveau groupe Batave, vient-il bousculer tout cela ou rentre-il dans le moule des groupes qui dépassent difficilement les frontières du pays des tulipes et des moulins à vent, du gouda et des bars à fumer ?
Quelques indices : avec une simple démo enregistrée avec un seul micro lors d'un concert, ces 4 garçons dans le vent ont séduit des gens comme Damian Wilson (Ex-Threshold) ou Rick Wakeman (dois-je dire d'où il vient ?). Autre indice, deux des titres de ce premier album sont en demi-finale du concours des compositions en Grande-Bretagne (6000 titres au départ)… Intéressant…
L'album débute avec "Changing Legacy" dans lequel la guitare rappelle très fortement l'excellent The Cross de l'album Generation 13 de Saga au niveau du son et de l'ambiance. Raoul Potters, qui n'est pas loin d'être un sorcier, a une voix assez posée qui est plus proche de celle de Steven Wilson (Porcupine Tree) que de celle de Michael Sadler.
Et de Steven Wilson nous pouvons parler, tant le talent de Profuna Ocean leur permet d'être comparés à Porcupine Tree même s'il serait réducteur de s'arrêter là. Disons qu'ils jouent dans la même catégorie, la catégorie de ceux qui ont du caractère, des choses à dire et qui savent le dire. De ces groupes dont on peut dire que c'est l'inspiration qui leur permet d'écrire. La ligne de chant de Changing Legacy, à ce titre, laisse pantois, un vrai bonheur et il y avait longtemps qu'un premier album n'avait pas laissé ce sentiment d'absolu.
Les musiciens apportent tout ce que leur instrument doit apporter, pas plus, pas moins. Le batteur, Fred den Artog, qui sonne très direct, sans effet, est d'une justesse impressionnante. Que dire de la discrétion du clavier Rene Visser qui pourtant est omniprésent et nous assène quelques lignes d'un à propos rare. La précision de la basse de son frère (probablement) Arjan Visser la rend évidente, ce qui est la marque des grands bassistes. Et ce qui est le plus surprenant, c'est que cet album est assez brut dans sa production. Si vous posez une oreille attentive à Lost Inside, vous aurez l'impression qu'il n'y a pas d'effet ou presque, mais vous aurez aussi la certitude que c'est exactement ce qu'il fallait faire.
Raoul Potters, qui assure le chant, la guitare et les compositions, semble faire partie de ces musiciens à qui on ne la fait pas. Bon guitariste, Il n'est ni David Gilmour ni John Petrucci. Entendez par là qu'il n'a ni le toucher hors pair de l'un ni la technique hyper développée de l'autre, mais il sait dire avec sa guitare ce qu'il souhaite dire et de façon suffisamment variée pour être totalement convaincante. Certains de ses soli ne sont pas sans rappeler IQ, ce qui fait un mélange intéressant avec Porcupine Tree, convenons-en.
Difficile de dire quel est le meilleur titre de l'album étant donné qu'à la fin de chaque morceau, vous aurez le sentiment que vous venez d'entendre le meilleur. Si ça ce n'est pas la marque des grands, qu'est-ce que c'est ? La règle et la prudence veulent qu'il soit raisonnable de ne pas mettre une trop bonne note à un premier opus, sous peine de masquer d'éventuels progrès dans les prochains. Mais la règle n'interdit pas de laisser ses sensations, ses émotions parler. La note n'est donc que le reflet d'un sentiment, sans réflexion sur l'avenir du groupe. Profuna Ocean, s'ils progressent, viseront-ils peut-être le 11/10 ?