Doté d’une excellente réputation scénique et d’un début de reconnaissance commerciale en Europe le groupe sort en 2001 son 3ème album qui doit normalement sceller sont triomphe commercial et artistique. Un rapide coup d’œil à la pochette, un fœtus qui semble mort flottant dans un liquide s’apparentant à du formol, nous laisse à penser que Rammstein semble avoir du mal à se défaire des recettes largement axées sur la provocation qui ont fait son succès jusqu’ici. Bien que le groupe indique avoir choisi cette illustration pour des raisons esthétiques et pour faire références aux titres « Mutter » et « Spielhur », il serait bien surprenant que ces pro de la communication n’aient pas agit de la sorte volontairement.
Au niveau musical par contre, le doute n’est plus permis. Le groupe a clairement changé de division, tout particulièrement en termes de maturité. Alors que jusqu’à présent Rammstein produisait des chansons dont le maître mot était efficacité (Rythmiques martiales, refrains accrocheurs, riffs simples et surpuissants), avec Mutter on découvre un groupe capable de bien plus de subtilités que son image ne le laissait présager.
Si la puissance et la simplicité sont toujours de mises, comme peuvent en témoigner « Feuer Frei », « Zwitter », « Rein Raus » et « Adios », apparaissent ici et là des sonorités et des arrangements bien plus variés et chargés en émotions. Ainsi la mélancolie, sentiment quasi absent de leurs deux premiers albums, fait-elle ici l’objet d’une exposition bien plus forte à l’image du titre « Mutter » (mère) qui dépeint le ressenti d’un bébé éprouvette dépourvu de père et de mère. La poésie est également à l’honneur avec le quasiment doom « Nebel » (brume / brouillard).
Beaucoup de textes sont également plus travaillés que par le passé, que ce soit « Allelujah » (titre bonus tiré de la BO de Resident Evil) qui parle avec sensibilité et pudeur de la pédophilie d’un prêtre, ou bien « Mein Herz Brennt (mon cœur brûle), qui est une digression sur l’histoire du Marchand de sable (la démo de ce titre s’appelle d’ailleurs « Sandman »), ou encore « Mutter dont les paroles sont un enchevêtrement de détresse et de colère.
Sur deux chansons, le groupe réagit à des accusations dont il a fait l’objet. Dans un premier temps pour se justifier, avec « Links 234 » (Gauche 234), dans laquelle il cherche à se dédouaner de l’image « fasciste » qui lui colle à la peau (chant en allemand, musique martiale, culte du corps…) en revendiquant assez maladroitement un cœur à gauche. Mais également en jouant la carte de la provocation avec « Feuer Frei! » (feu à volonté), qui fait figure de réaction violente aux accusations dont le groupe a fait l’objet suite aux déclarations des deux adolescents à l’origine du massacre de Columbine en 1999, qui ont déclaré être des fans (entre autre) de Rammstein.
Au-delà des textes, inaccessibles à la plupart d’entre nous, c’est donc au niveau des arrangements que le groupe a progressé. Que ce soit au travers des superbes chœurs de « Sonne », du magnifique chorus de « Ich Will », ou bien des arrangements symphoniques de « Mutter », nous avons ainsi la confirmation que Rammstein s’apparente désormais à un grand nom de la musique.