Depuis le tout début de sa carrière, Isis a fait le choix délibéré de ne pas retenter les mêmes schémas d’idées à chaque nouvel enregistrement. Depuis Celestial en 2000, en tant que figures imposées par le combo, les structures ont donc évolué, et la hargne spontanée, brute, a été progressivement canalisée au fil des ans. Isis a mûri, s’est « intellectualisé » mais n’est toujours pas prêt à faire de concessions. A ce titre, « In the Absence of Truth », succédant au pachydermique « Panopticon » avait de quoi dérouter bon nombre de fans par son aspect plus serein, pondéré, moins instinctif. Isis navigue artistiquement au gré de ses envies.
Avec « Wavering Radiant », Isis marque un coup d’arrêt, voire un certain retour en arrière. Le même arrangement à parts égales de plans post-rock et post-hardcore comme aux temps de son prédécesseur se retrouve ici, mais la bête hurlante surgissant des flots sur « Panopticon » semble être sortie de sa torpeur après une hibernation le temps d’un album.
Ceci dit, la puissance marque le pas sur l’explosion électrique et vocale, et les titres longs ont définitivement fini de prendre la forme d’ascension tortueuse avant le grand précipice, avant le grand saut dans un magma de colère : tout ou presque est retenu avant impact.
Mais Isis sans ce goût pour la violence, sans cette aversion au bon sentiment, mené tambour battant par les vociférations d’Aaron Turner, la mécanique bien huilée d’Aaron Harris derrière ses fûts, la rondeur de la basse et bien sûr les cordes râpeuses des guitares, Isis sans tout ça ne serait pas Isis. Et sur ce plan là, le combo de Los Angeles est au rendez-vous.
A vrai dire, ce cinquième album ne se différencie que par certains éléments plus ou moins saillants, comme une énième thématique qui se sera pas vraiment explicitée par Turner, ne la qualifiant vaguement que de « chemin d’exploration ». De plus, outre l’apparition fugace de guitares flirtant avec le psychédélisme (au centre de « Stone to Wake a Serpent »), de tempos lourds et lents comme sur l’introduction presque doomesque de « 20 Minutes / 40 Years », plus important, le pavé épique « Threshold of Transformation », sans doute le titre le plus imposant, en s’éloignant sensiblement des formats mathématiques de leur post-rock et postcore s’apprécie plutôt comme une traversée métal. Elle constitue finalement, dans toute son éprouvante énergie sombre, une des pièces maîtresses de ce nouvel effort d’Isis.
Avec « Wavering Radiant », le quintet ne prend pas en traître ses auditeurs. Au contraire, il peut susciter un sentiment de redondance vis-à-vis d’ « In the Absence of Truth » malgré quelques maigres innovations. Mais dans l’absolu, cet album reste d’une intensité indéniable, aiguise l’intérêt d’un bout à l’autre et au total s’impose comme une excellente production des Californiens.