Voilà plus de cinq ans qu’Autumnblaze, groupe allemand de dark métal, n’avait plus donné signe de vie. Aussi leur retour avec un nouvel album, Perdition Diaries, était-il très attendu par les fans, curieux des dernières évolutions d’un trio qui s’était orienté avec Mute Boy Sad Girl (2002) et Worlds Are Not What They Seems (2004) vers un rock gothique beaucoup plus apaisé que dans les premiers albums. Et cette nouvelle offrande est bel et bien l’occasion d’un retour aux sources, le duo fondateur ayant par ailleurs réintégré aux claviers et à la batterie Schwadorf (aka Markus Stock), ex-Empyrium. Perdition Diaries renoue donc avec un dark métal mâtiné de doom et de black, aux lignes de chant alternativement claires et agressives, extrêmement sombre et mélancolique, âpre et dur.
De manière générale, les tempi restent modérés, hormis sur quelques titres plus ravageurs, tels Haughtiness And Puerile Dreams et son final en blast dévastateurs ou I Had To Burn This Fucking Kingdom, dans lequel la connexion avec le black métal est plus qu’évidente, tant par l’usage de la double-pédale que par la superposition de riffs ultra-nerveux et de mélodies lancinantes d’où sourde une profonde mélancolie. Cet aspect très mélodique est présent dans l’ensemble des titres, permettant ainsi une immersion plus aisée dans un style musical qui sera peut-être pour certains rebutant. Brudemord et Neugeburt, aux progressions harmoniques simples et immédiatement assimilables, parviennent à tisser une atmosphère hypnotique, entêtante même pendant une courte et apaisante intervention d’orgue au cœur de Brudemord.
Mais un sommet est atteint avec Empty House, porté tout du long par la voix tant puissante que feutrée de Markus B., qui mêlant le tragique au désespoir, secondé en cela par un accompagnement instrumental d’une rare profondeur, fait de ce titre le plus poignant de tout l’album. La noirceur de ce morceau est portée à une telle incandescence que le reste de l’album semble bien fade en comparaison. Impression bien fausse, car la ballade Ways, interprétée au piano et agrémentée de très légères touches symphoniques, sait échapper à la mièvrerie qui contamine parfois un tel exercice pour dégager le sentiment d’une tristesse absolue.
Malgré un art de la composition qui permet à Autumnblaze de construire des chansons ramassées, concises et finement travaillées, la facilité s’invite parfois au cortège funèbre rassemblé par les trois hommes. Ces morceaux ne sont pas mauvais à proprement parler, mais semblent plus rapidement expédiés, exempts de cette intensité dramatique qui caractérise à mon sens les meilleurs titres de l’album : ainsi de Wir sind was wir sind, Savior ou encore Who Are You ?.
Perdition Diaries signe donc un retour incontestablement réussi d’Autumnblaze dans le giron du dark métal à tendance black, déployant sans lassitude aucune pour l’auditeur une atmosphère dépressive et tragique à souhait. Mais la qualité tant d’exécution que de production confère à ce disque une sorte d’aura lumineuse, qui, peu importe la valeur d’un tel cliché, renvoie immanquablement au « Soleil noir de la Mélancolie » dont Nerval se fit le poète il y a plus d’un siècle et demi maintenant.