Il y a des moments comme ça où je me dis que le jour où j’ai intégré l’équipe de grands malades qu’est MW était un jour où j’aurais pu gagner au loto si j’avais joué, où une équipe de foot française aurait pu gagner la Champion’s League (j’ai pas dit la Coupe d’Europe, calmez-vous les marseillais !), où l'on aurait pu nous annoncer que l’impôt sur le revenu était supprimé, bref, un jour à marquer d’une pierre blanche, que dis-je d’une pierre, de toute une carrière de pierres blanches !
Pourquoi une telle envolée emplie de reconnaissance me direz-vous ami lecteur ? Hé bien car faire partie de la bande me permet parfois de tomber sur des trouvailles qui m’auraient très certainement échappées en tant qu’ « auditeur-libre » (oui, car c’est quand même un peu le bagne ici, il faut bien le dire). Quoiqu’il en soit, même si c’est peu pratique d’écrire avec des chaînes aux poignets, je vais tacher de vous expliquer comment, d’un coup d’un seul, au détour d’un disque, je me suis retrouvé propulsé entre 1980 et 1981 à écouter l’album que Def Leppard n’a pas sorti entre « On Through the Night » et « High ‘n’ Dry » !
Alors écoutez-moi bien vous tous, je n’ai jamais, je dis bien jamais, depuis cette époque là (hormis quelques albums du Léopard Sourd qui ont suivi), entendu un album qui sonnait autant 80’s que ce premier opus de Grand Design. Voilà, ça y est, le nom des coupables est lâché, ils sont suédois, ils ont plus de bouteille que les gamins britanniques susnommés lorsqu’ils ont commencé et que leurs guitares étaient plus grosses qu’eux, mais ils ont en eux l’énergie qui animait les félins de Sheffield, le génie qu’ils avaient dans l’utilisation des chœurs et le sens inné de la mélodie qui nous rendait heureux et fier d’aimer cette musique qui nous passionne.
Ce « Time Elevation » est ainsi fait de bout en bout... Dix titres, dix raisons de sentir à nouveau ses cheveux pousser, son acné refaire une percée, de voir sa sacoche en cuir se draper d’une toile d’un beau vert-armée et sa badgeuse d’accès au bureau 1254 se transformer en badge ‘‘I Love la NWOBHM’’.
A ce stade de la chronique, si vous pouviez me poser une question, vous me demanderiez très certainement si Grand Design est un clone parfait du jeune Def Leppard. Je vous répondrais alors que non car Pelle Saether n’a absolument pas la voix de Joe Eliott, il est doté de celle de Stevie Hayman le chanteur du regretté groupe écossais Heavy Pettin’. Pour le reste, c’est à s’y méprendre, la même posologie miracle, des guitares martelées à coups de médiators rapides et dévastateurs, une batterie véloce avec de bons roulements de toms, des mélodies à sauter partout au point de battre un marsupilami au basket, les fameux chœurs ‘‘comme si vous étiez’’ et même le style du logo.
S'il vous venait vraisemblablement l’envie de philosopher sur l’utilité d’un tel retour en arrière doublé d’une telle entreprise caméléonesque, je me permettrais de vous susurrer à l’oreille qu’il me semblerait être d’une grande sagesse que de nous débarrasser de tous ces préjugés qui peuvent parfois nous amener à faire fi des qualités musicales d’un groupe sous prétexte qu’il « ressemble à un tel ou un tel ». Ne cherchons nous pas en effet immanquablement, lorsqu’on écoute un opus, à le comparer à un autre cherchant ainsi à nous repérer nous-mêmes mais également, lorsqu’on évoque un album à une connaissance, à lui expliquer que ça sonne comme Truc ou comme Machin. Concluons donc si vous le voulez bien que plus que rares sont les groupes qui ne ressemblent à aucun autre aujourd’hui et qu’ainsi, ressembler à un autre combo, a fortiori si celui-ci frôlait le génie, ne peut qu’être bienvenu. Si les sensations agréables d’antan reviennent en vous, telle une vague qui aurait traversée les ans et vous apporteraient des effluves positifs du passé, alors, carpe diem confrères, carpe diem.
Je prends ici le parti de ne citer aucun titre de cet album, une fois n’est pas coutume, car outre le fait qu'ils possèdent tous une structure similaire (hormis la ballade) et les mêmes ingrédients ravageurs qui vous feront les rattacher à tous coups à un morceau de DL, je peux vous assurer que chaque morceau de toute évidence ravivera les traces que la vie des années 80 a laissé en vous. Laissez-les refaire surface, c’est moins onéreux que le botox et c’est nettement plus sain.