L'âge d'or des Pink Floyd, Yes et autre Genesis a beau être désormais recouvert d'une bonne couche de poussière, on ne compte pourtant plus les palettes entières de groupes qui ne cessent de se réclamer de leur héritage. C'est bien en écoutant par exemple The Future Kings Of England que l'on mesure notamment l'influence que ces dinosaures ont pu et peuvent donc encore avoir aujourd'hui.
Cela dit, réduire ces Anglais (quoi d'autres ?) à une simple photocopie aussi nette soit-elle de ce qui se faisait il y a quarante ans, ne saurait suffire à définir leur musique avec pertinence. Alors certes, l'hommage est là, évident, avec des nappes de claviers hantées, des guitares qui balayent le paysage et décollent parfois très haut ou encore des lignes chants feutrées... Toutefois un album tel que "The Fate Of Old Mother Orvis" témoigne que ses géniteurs, dont c'est la seconde cuvée, savent aussi s'affranchir de leurs modèles. Il y a là une manière de développer les ambiances, de tricoter des instants suspendus dans le temps et de manger l'espace qui évoquent (timidement cependant) la scène post-rock. Certains passages de l'introductif "Dunwich" l'illustre. D'ailleurs, si The Future Kings Of England cite volontiers parmi leurs source d'inspiration le Floyd époque "Atom Heart Mother", le krautrock des Ash Ra Tempel et Tangerine Dream, le groupe mentionne aussi des choses telles que Mogwai ou Godspeed You ! Black Emperor, avec lesquels il partage une certaine forme de mélancolie sourde. Les emprunts à cette mouvance sont diffus mais néanmoins bien réels.
D'une architecture essentiellement instrumentale (les pistes vocales sont réduites à leur potion congrue), "The Fate Of Old Mother Orvis" a quelque chose d'un voyage envoûtant, d'une longue ballade à travers des tableaux où règne la nature. Un parfum d'histoire enveloppe également ce recueil qu'articulent seulement six titres. Le décor est posé avec "Dunwish", dessiné par une guitare atmosphérique, mise en bouche vaporeuse et planante. Lui succède "Mustard Men", petite perle progressive qui convoque les fantômes de Yes et consorts avec une classe et une réussite folles.
Surviennent ensuite quatre pistes vierges de chant (ou presque, pour la dernières d'entre-elles) dont "Bartholomew"s Merman", qui suinte une tristesse profonde et le long "Children Of The Crown", qu'ouvrent des mélodies orientales que n'aurait renié un Amon Düül, avant de s'assombrir puis de prendre une direction très floydienne durant sa dernière partie avec cette six-cordes stratosphérique à la Gilmour. Et toujours cette douce mélancolie qui affleure à la surface. L'écoute s'achève sur la pièce éponyme s'étirant sur près de vingt minutes et qui justifie à elle seule l'acquisition de ce disque. Psychédélique, elle décolle peu à peu vers des sphères lointaines. On quitte alors la terre ferme pour une exploration drapée dans un brouillard cosmique dont la guitare est une vigie belle comme un chat qui dort. Enfin, le titre se conclut sur un panorama très progressif.
Voilà donc en définitive un disque hautement recommandé à tous les amateurs d'effluves psychédéliques et d'une manière générale à tous ceux que n'effrayent pas les structures au monopole instrumental.