La raison de la durée excessive qui sépare "Tyranny of Souls" de son prédécesseur, le très réussi "Chemical Wedding", n’est un secret pour personne. Après avoir bien boudé chacun dans leur coin, Steve Harris et Bruce Dickinson se retrouvent et décident la réintégration du chanteur mythique au sein d’Iron Maiden, en lieu et place de l’intérimaire Blaze Bayley, remercié sans cérémonie.
Du coup le programme est chargé pour le père Bruce, la vierge de fer n’étant pas encore disposée à se reposer complètement sur ses acquis. C’est donc sur la route que sera composé cet album, résultat des échanges entre le fidèle Roy Z et Bruce. Apparemment guère ému par deux albums et plusieurs tournées avec Maiden, Dickinson continue dans la lignée des deux précédents albums. L’ambiance est donc toujours sombre voire désespérée, mais moins unidimensionnel que dans "Chemical Wedding". En outre, le coté hard rock du début des années 80 et présent dans les premiers opus, a définitivement disparu. Dickinson a trouvé un son, et un artisan de ce son en la personne de Roy Z. Notons d’ailleurs au passage l’absence d’Adrian Smith qui confirme un peu que les aventures en solo de Dickinson lui servent aussi à s’échapper de l’envahissante famille Maiden.
Les compostions font l’effort d’être variées, et la patte du maitre est identifiable. Belles mélodies ('Navigate the Seas of The Sun' - ballade sublime évoquant son expérience en tant que pilote d'avion), ambiances qui s’insinuent au fur et à mesure du morceau ('Kill Devil Hill'), puissance libératrice (le grandiose 'Tyranny of Souls')... Tout cela est très correct.
Si les morceaux ne révolutionnent rien, il est bien dur de trouver des défauts sur les dix titres. Tout se tient, les soli habiles de Roy Z (qui est en charge de toutes les parties de guitares) sont beaucoup plus véloces qu’à l’accoutumée ('Abduction', vertigineux) mais parviennent à garder un certain phrasé. Et Dickinson chante extrêmement bien. Les efforts qu’il a pu fournir tout au long de sa carrière se ressentent et le détachent littéralement de la masse, vieux et jeunes. Lui, toujours d’attaque, semble meilleur à chaque fois, avec toujours plus de justesse, de densité. Sans vous mentir, ce simple constat est un véritable bonheur qui vaut à lui tout seul l’achat de la galette.
Même s’il est loin d’être l’œuvre du siècle, l’album propose un moment de fraicheur métallique qui surprendra les plus sceptiques. Ce mec a du talent, tout simplement. Tout ce qu’il fait est éclaboussé de classe et de qualité. La marque des grands, indubitablement.