Il nous arrive régulièrement ici-même de pointer du doigt le gâchis de certaines productions en raison d'un chanteur pas à la hauteur de ses collègues instrumentistes. Point de cela avec ce premier album de Leap Day, et pourtant nous pourrons de nouveau déplorer le relatif ratage de cette production en raison de parties vocales bien à la peine. Décryptage …
Leap Day - pour nos amis anglais, il s'agit du 29 février, LE jour des années bissextiles - est l'émanation de quelques pointures de la mouvance néo-progressive hollandaise, issues de groupes aussi fameux que Flamborough Head, Nice Beaver ou encore The Pink Floyd Project. Dernière recrue, et pas des moindres, Eddie Mulder en rupture de ban avec Flamborough Head, vient apporter toute sa touche guitaristique à l'ensemble. Avec de tels antécédents, il apparaît évident qu'Awaking the Muse va être à tendance néo-progressive, le néo de l'école batave, celui qui est capable de produire le meilleur… Comme le pire.
Et malheureusement, cet album va sans cesse évoluer entre ces pôles. Après un premier titre dynamique à souhait et plutôt bien balancé, le propos va rapidement tourner autour de la guitare d'Eddie Mulder. Certes, ses magnifiques envolées tracent des mélodies magnifiques, et notre homme remplit à lui tout seul l'espace sonore au cours de longues parties instrumentales. Hélas, quand il se met en retrait pour laisser la place aux parties chantées, c'est un grand moment de solitude qui vient entourer la performance pourtant plus que convenable de Jos Harteveld. Les claviers ne parviennent pas à prendre le relais des guitares, proposant de surcroît des sonorités peu adaptées au propos, et les accompagnements se révèlent très vite indigents, la qualité des arrangements laissant vraiment à désirer (quelle idée par exemple de doubler aux synthés la mélodie jouée à la guitare dans l'intro de Shop Window Dummies?).
Le premier (et malheureusement pas le seul) exemple de cette dichotomie survient dès la deuxième plage What Would you Do : plus de 2 minutes d'Eddie Mulder-show avec un thème magnifique, puis un chant à la mélodie pénible, à peine soutenu par des accords et des rythmes pompier. Mais dès que la guitare retrouve ses droits, le titre prend une autre dimension. Sans rentrer plus en avant dans les détails, les mêmes qualités et défauts vont perdurer tout au long des 5 autres plages de l'album, baladant l'oreille de l'auditeur entre jouissance mélodique lors des lumineuses interventions de guitare, et profond ennui sur les passages chantés, si mal accompagnés.
Vous l'aurez compris, compte-tenu du pédigrée de ces géniteurs, cet album s'avérait très prometteur sur le papier. Malheureusement, de la même manière qu'une hirondelle ne fait pas le printemps, Eddie Mulder ne peut pas à lui tout seul masquer les carences d'arrangement des compositions. Il reste toutefois un album agréable à écouter… Mais dont la date de péremption sera vite dépassée.