La Suède, si petit pays et pourtant si grande nation musicale ! D’Abba à Opeth, elle a contribué à des genres à la diversité indéniable, en s’affirmant très régulièrement comme un leader de la scène alors concernée. Prise entre pop et progressif, il était inévitable qu’elle accouche un jour d’un groupe tel que Villebrad qui se fait fort de tenter un mélange des styles en rien évident. Ajoutez à cela que notre quartette persiste à officier dans sa langue natale, choix audacieux que bien des formations françaises ont fait différemment, et vous aurez à coup sûr compris l’originalité de ce groupe.
Un peu d’histoire tout d’abord, car Villebrad n’en est pas à son coup d’essai. Les frères Erik et Påhl Sundström, qui mènent leur barque depuis 2004, nous proposent donc avec Ultrarapid le petit frère de Alla Ar Här Utom Jag, album prometteur mêlant déjà pop et expérimentations, mais souffrant d’un léger problème de maîtrise. Depuis ce premier jet, nos Suédois mélomanes se sont attachés les services de Petter Broman à la basse, l’apport de ce-dernier étant indéniable au regard de la très bonne tenue rythmique de ce nouvel opus.
Une rythmique bien en place, mais des structures aériennes et mélancoliques, presque éthérées, de nombreuses expérimentations synthétiques, une influence marquée du pop-rock et du progressif anglais : tel est donc le cocktail étonnant proposé en version originale par Villebrad. Chaque morceau prendra ainsi en début d’album une couleur particulière, « Stygnen » lorgnant du côté de l’électro, « Du Ar Svag » faisant ronronner une basse avec feeling et rigueur sur les traces d’un rock anglais typé 90’s, « Skjuten I Hjartat » poursuivant dans cette voie sur une corde plus sensible.
L’atmosphère est sombre, à l’image d’un « Alskade Maskin », morceau mélancolique, rehaussé par des touches synthétiques et livrant une tranche progressive de belle facture. Le minimalisme est préféré à la débauche d’effets, mais un bémol grésille à nos oreilles avec une insistance gênante, un grésillement qui s’explique par une production en-dessous des exigences musicales affichées par le groupe. Ainsi, « Amerika » fait partie de ces pépites rappelant le « 21st Century Crooners » de Ghinzu, malheureusement quelque peu gâchée par une production manquant de précision.
La face A s’achève sur une très bonne impression générale, offrant encore un « Vaknar Aldrig » dynamique, porté par une ligne de basse efficace et scintillant de couleurs pop palpables au son des claviers, dont le seul tort sera d’user de quelques sons trop synthétiques. La mélancolie reste toutefois omniprésente et le morceau parvient encore à instaurer une jolie ambiance. Mais la vraie pièce principale est assurément « Dom Har Förstart Dig », moment de bravoure progressif de l’album. Souffrant d’une certaine linéarité et de petites insuffisances vocales, elle offre un final teinté des influences d’un Genesis période The Knife qui à lui seul vaut de multiples réécoutes.
Tristement, le fragile équilibre sur lequel s’épanouissait Villebrad jusqu’ici rompt subitement pour nous livrer une face B tout juste passable. « Feberdröm », « Ljus Frän Inhanmätet » et « Neandertal » se veulent plus électroniques et pop, plus anecdotique et énervantes aussi, le chanteur usant souvent d’une vois de tête mal mixée. Le titre éponyme émerge à peine de ce marasme que déjà il est complètement recouvert par les inaudibles « Tusen Sätt Att Förklara » et « Slutet », deux titres à peine dignes de figurer sur une démo.
Si j’ai volontairement détaillé presque piste à piste la première partie de ce disque, c’est qu’il y a incontestablement chez nos Suédois un souffle et une énergie novatrice qui méritent d’être soulignés. Que cette dernière soit abîmée par quelques errements coupables ne doit en rien l’effacer de notre esprit. Villebrad aura ses fans, et ils auront raison car en matière de pop prog mélancolique suédois, c’est indéniablement un groupe sur lequel il faut se pencher. Mais cet élitisme stylistique et les approximations évoquées dissuaderont sans doute les néophytes, là encore à raison.