Aimez-vous les millefeuilles ? Théoriquement, il devrait être impossible de répondre totalement par la négative à cette question : un étage de sucre, un étage de crème, un étage de pate feuilletée : même au prix d’un démontage en règle on ne peut pas totalement détester les millefeuilles. Il en est de même pour les millefeuilles musicaux.
Chez Fool’s Game, ça heavyse, ça speede, ça growle, ça powerise, ça métal-mélodiquise, bref : ça millefeuillise ! Mais surtout, ça décrasse les cages à miel avec une efficacité de coton-tige marteau-piqueur ! Autant vous l’annoncer tout de suite, il vous sera impossible de ne pas aimer cet album. Peut-être mettra-t-il du temps à vous séduire, mais il s’agirait alors bien plus d’un signe de richesse que d’autre chose.
Il faut dire que pour un premier album, les membres de notre quintette n’en sont pas à leur premier coup d’essai, loin s’en faut ! Vous retrouverez pêle-mêle : la guitare de Matt Johnsen (Pharaoh), la basse de Matt Crooks (Division), les fûts de John Macaluso (Ark, TNT), les claviers de Nick Van Dyk (Redemption) et les cordes vocales de Lars F. Larsen (Manticora). Si nombre de super-groupes n’auront pas tenu les promesses que vous aviez placé en eux, Fool’s Game parviendra sans aucun doute à effacer toutes vos déceptions passées d’un revers de Heavy mélodique dévastateur.
Après une première écoute de repérage, tout au long de laquelle vous devriez percevoir par bribes les immenses capacités déployées, c’est donc Mass psychosis qui s’imposera à vos oreilles comme une entrée en matière impériale. Riffs speedés et harmonieux s’agenceront soudainement dans votre cortex pour un résultat saisissant de précision et de qualité. Les lignes mélodiques dessinées par les six-cordes des deux Matt feront mouche à chaque case et tresseront une trame redoutable, agrémentée par des claviers, percussions et lignes vocales tous plus inspirés les uns que les autres.
La machine à baffes est alors lancée, et When The Beginning Meets The End vous fera brandir le poing, la lourdeur ambiante étant sublimée par un refrain jouissif au potentiel hymnique infini, appuyé par des chœurs redoutables. Un break instrumental tout en maîtrise aboutissant sur un unisson clavier/guitare permet à la composition de se transcender à nouveau et pourra servir longtemps de cas d’étude aux jeunes masturbateurs de manche ignorant ce qu’est une harmonie. Son petit frère As The Field Of Dreams Was Abandonned reprendra cette dimension épique et presque progressive, dans un style où l’épure reste gage de qualité.
Au rayon des titres velus, on oubliera pas de signaler l’excellent Sowing Dead Seeds et son entame Power à la double laissant place au chant plus calme de Lars - décidemment en état de grâce - ainsi que les redoutables The Wild Swans At Coole et ses riffs syncopés encore une fois imparables, ou le final On Endless Planes Of Ignorance quoi vous laissera avec une irrésistible envie de relancer la machine une fois de plus. La boucle ne serait pas bouclée si l’on omettait de signaler le gigantesque The Conqueror Worm, plat de résistance d’un album qui nous a pourtant déjà nourri jusqu’à l’extase. On notera l’intervention au chant de Tim Aymar (Pharaoh, Control Denied) pour épauler notre ami Lars qui n’en avait pas vraiment besoin mais qui voit là le moyen de se dépasser un peu plus.
Sans jamais ne serait-ce que friser l’écœurement, et fort de 8 morceaux pour un total de 45 minutes qui nous permettent d’apprécier chaque influence sans en être dégoûté, Fool’s Game réussit là un album proche de la perfection. Dans un monde Power où les nouveautés réjouissantes se font de plus en plus rare, vous apprendrez à vous délecter, avec un appétit tout particulier, de ce Reality Divine qui vient de mettre sur les rails une formation que l’on espère déjà durable. A table !