Deux ans après Ithyphallic, qui marquait hélas une certaine redondance ayant laissé bien des fans sur le carreau, Nile revient en force avec ce sixième album studio ! Entouré comme ses prédécesseurs d'une aura de mystère, qu'en est-il une fois le casque sur les oreilles ?
Il est de ces groupes qui, non contents de s'approprier les codes d'un genre, les transcendent en y incorporant une sensibilité propre. Nile en fait partie, et ce depuis le mythique In Their Darkened Shrines, sorti en 2002, qui avait fait d'eux une formation légendaire. Leur concept : établir un pont entre une égyptologie fantasmée façon H.P. Lovecraft et un brutal death ébouriffant. Malheureusement, les deux albums suivants peinaient à retrouver l'alchimie singulière qui caractérisait leur metal sauvage. Une alchimie enfin retrouvée...
L'amateur nostalgique retrouve en effet dès les premières secondes les traits caractéristiques de la musique de Nile : riffs indécents, batterie épileptique et growls féroces, le tout empreint d'une ambiance arabisante qui s'exprime par la présence d'instruments traditionnels (voire de parties acoustiques), ainsi que par ces textes typiques, chers à Sanders. Ce mélange improbable, qui semblait avoir atteint ses limites sur Ithyphallic, retrouve ici une seconde jeunesse : c'est une formation unie et volontaire qui abreuve ici vos oreilles d'une déferlante absolument phénoménale. N'ayant pourtant plus rien à prouver sur le plan technique, les trois olibrius se livrent à une débauche de rythmes impensables, frénétiques, véritables spasmes de violence électrique. Rarement un batteur aura atteint la précision démoniaque de Kollias, et l'on se demande souvent comment les cordes des guitares résistent à un tel assaut. Brutale, cette musique l'est, et le mot est faible ; mais pas seulement. Nile aspire aussi à un certain aspect progressif, n'hésitant pas à étirer les compositions sur plus de 8 minutes, laissant de l'espace aux riffs et aux évolutions rythmiques.
Egyptophile averti, Sanders n'emploie d'ailleurs pas son amour pour le pays du Nil à de simples fins décoratives. Puissantes, les atmosphères lourdes et mystiques développées sur chacune des dix pistes vous laissent errer au milieu des sables ("Yezd Desert Ghul...") pour mieux vous entraîner dans de sombres caveaux ("Utterances Of The Crawling Dead"). Les passages "égyptiens", parfaitement intégrés, rappellent évidemment les travaux de Sanders en solo, qui on le rappelle étaient orientés musique traditionnelle. Toutefois, ils sont imprégnés de la noirceur de Nile, et introduisent à merveille les ébats déchaînés qui leur succèdent ("The Eye Of Ra"). Les chœurs, hallucinés, achèvent de parfaire l'énorme travail effectué sur la direction artistique ("4th Arra Of Dagon").
Effarant sur le plan technique, Nile ne révolutionne pas le genre, et encore moins son style, avec ce disque, mais on ne peut que constater avec bonheur que l'équilibre délicat de leur violence retrouve enfin toute sa qualité. Précis, immersif, diaboliquement addictif, Those Whom The Gods Detest risque fort de faire parler de lui dans les sphères extrêmes au cours des prochaines semaines... Une superbe surprise de la part d'un groupe que l'on n'espérait plus à ce niveau.