KB n'est que le nom de projet de Karl Bourdin, guitariste français qui délivre ici un album instrumental (à l'exception d'un morceau), après quelques essais dans les années 96-97. Notre homme a tout fait lui-même : guitares (et il y en a beaucoup !), basse, programmation de la batterie (assez bien faite avec un son assez réaliste) et un peu de claviers.
Musicalement, "Twelve ways" est rock, heavy, assez varié, avec des éléments inhabituels comme des boucles électroniques ici et là. La première référence qui m'est venue à l'esprit est Steve Vai, à cause de son apparente affection pour les notes distordues à l'extrême, les cassures mélodiques et tout simplement une certaine dose d'humour. A cause du son sur les parties solistes aussi, parfois bien lourd mais assez lisse, des parties harmonisées, du timbre chaleureux, ceci s'ajoutant à quelques références communes… Ceci dit, attention, KB sonne quand même nettement moins jazz et souvent de manière sensiblement plus lourde que le Steve Vai habituel (hors "Sex & Religion", j'entends). Citons aussi comme références Marty Friedman et le premier album éponyme de Ritchie Kotzen en 89 (nettement plus lourd que les suivants).
On est souvent en présence de hard rock mélodique, assez groovy, avec quelques références bluesy, aux riffs plombés et souvent saccadés mais comportant de belles parties mélodiques. Les arrangements sont souvent assez chargés (que de parties de guitares superposées sur certains morceaux !), et parfois le guitariste devient un peu plus speed et agressif comme sur "Rosco's new boots" – titre assez bourrin, avouons-le mais avec une petite dose d'humour et des boucles électroniques programmées. C'est une des caractéristiques de KB sur pas mal de titres, d'ailleurs (en particulier sur "Electronics for dogs", avec l'intervention d'un DJ qui nous sort des "scratches" !). Le guitariste avoue avoir un penchant pour les dessins animés genre Tex Avery et nous reproduit un peu les bruitages que l'on pouvait entendre lors des scènes d'actions avec sa guitare ! "Mosquito's buzz" ("le bourdonnement du moustique" !) est, à cet égard, un des plus beaux exemples, véritable délire guitaristique et rythmique. De fait, l'album propose un large éventail de sonorités et cela permet à l'auditeur d'être à la fois surpris et dépaysé. On pourra aussi penser au charmant excentrique Mathias Eklundh de Freak Kitchen pour les notes distordues et l'alliance lourdeur/humour/technique.
Pour preuve également de sa culture diversifiée, KB nous offre aussi un morceau blues limite country ("West wham") et une version courte mais épique du thème principal de "La Folie des Grandeurs", le célèbre film avec Louis de Funès et Yves Montand, dont la BO avait été écrite par Michel Polnareff, au tout début des années 70, et qui parodiait par moment les westerns spaghettis ! "Breathing", seul morceau chanté du CD par Renaud Hantson est une belle ballade bluesy, qui est reprise en version instrumentale à la fin de l'album, preuve que Karl sait aussi jouer la carte de la finesse et de la sensibilité.
Techniquement, c'est toujours difficile de juger, à moins d'être soi-même un très bon guitariste, ce qui n'est pas mon cas, mais KB me semble être un sacré virtuose, doté d'une grande fluidité de jeu et d'une capacité à briser les rythmes de manière abrupte pour ensuite les reprendre au plus près l'instant suivant. Quant à la richesse des arrangements et de son éventail sonore, on en a déjà largement parlé plus haut. On aurait aimé un peu plus de morceaux sérieux et plus mélodiques quand même, mais ce "Twelve ways" est une galette sympathique, doté d'une réelle cohérence, à découvrir peu à peu, et qui peut s'écouter à plusieurs niveaux.