La tradition, ça a du bon. Ce n'est certainement pas Gerrit Mutz qui dira le contraire, lui qui reste attaché aux vraies valeurs quelque soit le projet auquel il prête sa voix. Quand il donne dans le doom avec Dawn Of Winter, c'est pour ne jamais quitter un sillon pur et intègre. Même chose lorsqu'il braille du heavy metal avec Sacred Steel. Soyez rassuré : Les Tables de la Loi du genre ne risquent pas d'être bafouées.
De fait, "Carnage Victory", la cuvée 2009 de Sacred Steel, est un bon exemple de metal à l'ancienne usiné par les aciéries d'Outre-Rhin. Vocalises haut-perchées, parfois pas si éloignées que cela d'un King Diamond (l'hommage "Don't Break The Oath", forcément), forteresse rythmique solidement enracinée dans la terre et riffs au taquet.
Vierge de surprises peut-être mais c'est aussi l'assurance ne pas en croiser de mauvaises. Ces onze cartouches sont tirées avec un savoir-faire incontestable et font mouche à chaque fois. Les premières un peu moins ("Charge Into Overkill" notamment) néanmoins, plus l'écoute avance et plus le disque commence à prendre de la valeur. Cela débute avec "Broken Rites" où Gerrit déverse sa voix si particulière et chaude sans singer qui que ce soit, se poursuit avec le véloce "Crosses Stained With Blood" dont le refrain se révèle plutôt réussi, le pesant "Ceremonial Magician Of The Left Hand Path", qui nous rappelle que certains membres de Sacred Steel sont également des activistes de la scène doom teutone (outre Dawn Of Winter, Naevus, Voodshock). Citons aussi l'implacable "Denial Of Judas" et ses riffs sombres ou le terminal "By Vengeance And Hatred", cavalcade sanglante au feeling assez désespéré et que transpercent quelques grognements d'outre-tombe.
Aucun élément extérieur ne vient jamais vraiment polluer une ligne de conduite fermement maintenues par des musiciens auxquels on pourra toujours reprocher l'absence de prise de risque et d'humour. Mais ce n'est clairement pas le propos ici. Ces Artisans aiment le travail bien fait, soigné et n'ont pas du tout l'intention de révolutionner le genre, démarche qui est tout à leur honneur. Aucune prétention ne les guide, si ce n'est celle de se faire plaisir et d'exprimer une certaine vision, conservatrice peut-être, du metal. Et tant pis si on aimerait parfois que le groupe tente d'autres choses, essaye d'autres pistes. Il faut donc l'accepter comme il est. Les aficionados du heavy à l'allemande ne seront pas déçus. Quant aux autres... ils peuvent passer leur chemin sans regret ou alors se se tourner vers un Brainstorm plus puissant et moderne ou un Grave Digger plus inspiré.
Trempé dans l'acier par le spécialiste Achim Köhler, "Carnage Victory" est un produit solide et efficace mais dont l'académisme devrait encore une fois empêcher ses géniteurs de quitter la seconde division dans laquelle ils évoluent depuis leurs débuts. Toutefois, si vous aimez le chant de Gerrit Mutz, je ne saurais trop vous conseiller d'aller jeter plutôt une oreille sur Dawn Of Winter à la réussite nettement plus probante.