Il ne faut parfois pas plus d'un morceau pour effacer plusieurs années de silence. C'est le cas pour While Heaven Wept, groupe ayant disparu des écrans radar depuis "Of Empires Forlorn" en 2003, avec "The Furthest Shore", ouverture de sa nouvelle offrande et la troisième seulement en plus de vingt ans de carrière.
Un seul titre, oui mais quel titre ! En près de 16 minutes, il propulse le groupe américain vers des sommets dont, jusqu'à présent, ils s'étaient seulement rapprochés sans jamais pouvoir les toucher. Un quart d'heure de pur bonheur qui synthétise tout ce qui fait que l'on aime (ou pas) ce vétéran de la chapelle doom US : des lignes vocales chaudes et émotionnelles, celles de Tom Philipps (également guitariste chez le non moins excellent Solstice), des mélodies finement ciselées, cette touche lyrique pour ne pas dire carrément romantique et une dimension épique plus proche du heavy metal que des marches funèbres auxquelles le genre est souvent associé - à tort. Avec en plus ces arabesques multiples qui permettent aux Américains de tendre un pont étonnant entre doom et rock progressif. En un mot : superbe.
Toutefois, "The Furthest Shore" se veut tellement grandiose qu'il en étoufferait presque les cinq plages suivantes, ces dernières ne tutoyant pas une telle éclatante réussite. Plus ramassé, "To Wander The Void" arpente les terres du heavy doom avec choeurs et voix haut perchées mais est émaillé de riffs à la fois plombés et est sécrétatoire d'un fluide de tristesse. Au plus anecdotique "Living Sepulchre" s'enchaîne en un très beau fondu acoustique l'imposant "Vessel", toujours porté par le chant lumineux de Philipps, incontestablement la clé de voute de l'édifice. Etonnamment, l'écoute prend fin sur deux pistes instrumentales peintes par le pinceau délicat de claviers doucereux. "Vast Oceans Lachrymose" et "Epilogue", toutes deux reliées entre elles par le bruit du ressac, sont une conclusion apaisante et propice à la contemplation d'un disque à l'architecture curieuse.
Si l'on peut regretter une prise de son qui manque de puissance et un caractère parfois un peu trop gentillet, pour ne pas dire mielleux, il n'en demeure pas moins que "Vast Oceans Lachrymose" reste un très bon album de doom classique tel qu'il était conçu à l'origine, avant que sa collusion avec le death metal ne l'enténèbre davantage.
Espérons que cette fois While Heaven Wept, dont la vie a toujours été en pointillés depuis ses débuts, soit de retour durablement et qu'il ne faudra donc pas attendre six années supplémentaires pour savourer un prochain chapitre.