Groupe au parcours atypique, n'ayant cessé d'évoluer depuis sa création (en 1993, déjà), passant d'un death scandinave plutôt formel à un métal mélodique, atmosphérique et singulier, Katatonia revient sur le devant de la scène en cet hiver grisâtre, trois ans après l'exceptionnel "The Great Cold Distance". Aujourd'hui, forte d'une maturité qu'elle n'a plus à démontrer, la bande de Renske et Nyström récidive avec une création qui, autant le dire clairement, est l'une des sorties majeures de l'année. Explications.
Night Is The New Day se présente comme une continuation du "style Katatonia", en vigueur depuis plusieurs albums – mais pas seulement. Si l'on retrouve dès les premières secondes ce ton propre au groupe, à la fois lourd et étonnamment éthéré, la suite de l'écoute dévoile une emphase dans la mélancolie qui, sans réellement surprendre, confère aux compositions une énergie admirable. Les riffs, lancinants lorsque la guitare sèche s'évertue à vous faire frissonner ("Idle Blood"), titanesques quand le rêve tourne au cauchemar fiévreux ("Forsaker"), et la voix diaphane et envoûtante de Renske, créent un univers contrasté qui vous prend par la main, comme un lointain souvenir revenu vous hanter pendant votre sommeil, et vous entraîne dans les méandres de votre propre conscience.
La musique de Katatonia possède en effet cette qualité remarquable, cette capacité à ne pas obnubiler votre esprit pendant l'écoute, le laissant errer à sa guise, simplement guidé par les compositions. L'homogénéité des pistes y concoure, au point que l'on ne remarque rapidement plus du tout le passage d'un morceau à l'autre. L'apport de sonorités synthétiques, presque électro, évoque par moments un trip-hop aérien, qui rappelle l'inédit "Unfurl" apparu sur l'EP "July" (2007).
La production, signée David Castillo, est à la hauteur des compositions, c'est-à-dire parfaite. D'une clarté qui force le respect, elle sait mettre en avant tantôt la voix ("Departer"), tantôt les guitares ("Liberation"), tantôt de somptueux arrangements ('Idle Blood"), sans jamais laisser les autres éléments de côté. Un travail d'orfèvre, qui maintient tout au long des onze pistes une tension palpable et soutient la puissante charge émotionnelle délivrée par Renske et ses camarades, jusqu'à l'ivresse.
Cohérent jusque dans la durée des pistes (constatez par vous-mêmes ci-dessous), Night Is The New Day est une réussite absolue, un véritable chef-d'œuvre appelé à devenir la pièce maîtresse de Katatonia et est évidemment recommandé à tout amateur de musique, quels que soient ses penchants. Omettre ce disque par négligence ou a priori reviendrait à vous priver de moments inoubliables. Profond, intimiste, poussant l'auditeur à l'introspection, il s'agit à n'en pas douter d'un album qui conservera sa qualité au fil des années. Au sommet de son art, Katatonia livre ici un bijou intemporel, indivisible, indispensable, sanguin et nocturne, qui éclabousse de sa classe le monde du métal.
Pour finir, si vous avez encore besoin d'être convaincus, citons un autre Suédois, Mikael Akerfeldt, qui après l'écoute anticipée de cet album, en dira : "J'ai toujours été un fan de Katatonia. Leur dernier est vraiment un chef-d'œuvre ! J'avais presque les larmes aux yeux. C'est un morceau de musique absolument magnifique ! Certainement ce qu'ils ont fait de plus émotionnel et de plus progressif."