Qui aurait pu prédire en 1989 que "Lost Paradise" et son hallucinante pochette serait le premier jalon d'une carrière qui se poursuivrait encore vingt ans après ? Assez peu assurément et certainement pas le groupe lui-même. Toujours est-il que Paradise Lost est toujours en activité, malgré des hauts ("Gothic", "Shades Of God", "Draconian Times" bien évidemment) et des bas (les néanmoins excellents "Host" et "Believe In Nothing"), autant de repères aussi bien commerciaux qu'artistiques correspondant aux diverses peaux, doom, gothique ou plus pop, que les britanniques ont enfilées.
Depuis ses débuts, le groupe a donc beaucoup évolué mais on sent qu'avec "Faith Divides Us - Death Unites Us", cette évolution est désormais achevée. Ainsi, quand bien même il nous a constamment habitué à n'en faire qu'à sa tête, on imagine mal dorénavant la formation entamer un brusque virage stylistique. Son art a atteint une forme de maturité.
Certains diront que Paradise Lost a opéré un retour en arrière depuis "Symbol Of Life" (2002), regard vers le rétroviseur poursuivi et réaffirmé par "In Requiem" et par ce nouvel opuscule. Ce n'est pas Faux. Toutefois, cette analyse demande à être affinée. Bien entendu, la musique actuellement forgée par les Anglais révèle davantage de proximité avec l'ère "Icon"/"Draconian Times" que celle initiée par "One Second". Pourtant il reste quelque chose de cette dernière époque, notamment dans la construction des titres ("Faith Divides Us - Death Unites Us"), dans les arrangements et dans certaines lignes vocales de Nick Holmes ("First Light").
Malgré tout, Faith Divides Us - Death Unites Us reste une oeuvre très moderne et certainement pas nostalgique ou passéiste. Elle se drape dans une production, signée Jens Bogren (Opeth, Katatonia...), sévère, presque austère même, qui sied à merveille à cette plastique grise et désenchantée (le bien nommé "Last Regret"). Une mélancolie automnale ruisselle tout du long de ces dix plaintes, dont l'artisan est plus que jamais la guitare de Greg Mackintosh, musicien par trop sous-estimé. Avec son jeu suintant de tristesse ("Frailty", "The Rise Of Denial") et cette faculté demeurée intact de tisser des mélodies entêtantes, seules balises dans le brouillard ("I Remain"), il se pose incontestablement comme l'Homme de cet album.
Cela dit, Holmes, à l'instar de tous les autres membres du groupe n'est jamais en reste avec sa voix reconnaissable entre mille. Avec l'assurance de ceux qui savent ne plus rien avoir à prouver, les Britanniques honorent un ensemble cohérent et homogène qu'aucun temps mort ne vient polluer. Concis et denses, tous les titres délivrent une trame dont la noirceur n'a d'égale que la puissance de leur accroche. Tous sont des hymnes potentiels en tout point dignes de leurs aînés des années 90 et de fait, devraient s'imposer comme de futures classiques dans un répertoire pourtant déjà plein à craquer de pépites.
Avec cet album dont on imagine mal qu'il ne puisse pas séduire ses admirateurs, Paradise Lost confirme son statut de la plus belle des manières et signe peut-être même son oeuvre sinon la plus aboutie au moins la plus accrocheuse depuis "One Second".