Combien de fois avez-vous déjà lu dans une chronique une sublime métaphore sur la transformation d'un essai ? Exemple: Autant dire qu’ils auraient été bien inspirés de sortir un chef d’œuvre pour transformer l’essai… (je me cite moi-même). L'image est si surfaite la plupart du temps que la réalité de ce phénomène est oubliée. Qu'est ce qu'un essai après tout ? Un effort important qui permet à une équipe de marquer des points. Un essai est physique, arrache les tripes, et se marque dans l'adversité. "Heaven & Hell" est un essai. L'adversité, c'est le départ de ce cher Ozzy vers d'autres succès, et il faudra l'intensité du paradis et de l'enfer pour continuer la route la tête haute.
Transformer un essai, ça se fait plus simplement. Il s'agit juste de prouver que l'essai était mérité. Plus d'adversaire, plus de lutte, le seul risque viens de soi-même, seul sur le terrain : se planter, ne pas supporter la pression. "Mob Rules" est une transformation. "Mob Rules" prouve que l'arrivée de Dio et la renaissance du son Black Sabbath ne sont pas des concours de circonstances, et que, en cette année 1981, quelque chose anime toujours le plus grand groupe de Metal du monde.
Le disque est une véritable orgie au cours de laquelle se côtoient des riffs en pagaille, sortis de la musette du génial Tony Iommi, des arpèges inquiétants, des soli enchanteurs, le chant emphatique et puissant de Dio, et la puissance de la section rythmique formée par Butler et le nouveau venu, Vinnie Appice, qui remplace Bill Ward derrière les fûts. Les brûlots Heavy ("Turn Up The Night", "Mob Rules", "Slipping Away") alternent avec des morceaux plus épiques, plus inquiétants. Le groupe va sur ce point encore plus loin que sur l'opus précédent. Sur "The Sign Of The Southern Cross", "Falling Off The Edge Of The World", ou encore "Over & Over", le chant de Dio colle parfaitement et parvient à faire décoller des riffs pourtant plus bas que terre, hypnotiques et dévastateurs.
Iommi intervient en solo avec classe et "Over & Over" succède sans rougir au splendide "Lonely Is The World". L'album est ainsi animé d'une double dualité. En plus de la succession de passages Heavy et d'autres plus aériens et délicats, il y a un contraste constant entre la lourdeur de la rythmique et l'envergure épique des interventions de Iommi en solo et de Dio au chant. L'album gagne alors en densité et en couleurs.
Après "Heaven & Hell", Black Sabbath n'a pas tremblé. Sûr de ses moyens, le groupe parvient à coaliser ses invraisemblables personnalités (notamment Iommi et Dio) à la poursuite d'un objectif commun: délivrer un Heavy Metal de qualité. Professionnel, solide, l'album est devenu un monument inoxydable. L'essai est transformé avec brio.