Pour bon nombre de personnes dont je fais partie, l’actualité de Cirrha Niva commencera sans doute avec cette chronique de « For Moments Never Done ». Du haut de ses seize années d’existence, la formation venue des Pays-Bas a pourtant sorti jusque là deux albums et un Ep mais qui n’avaient finalement pas dépassé la colonne des faits divers. C’est pas faute de s’être offert en 2002 les services des frêres Gildenlöw, Frederik Hermansson et Johan Langell, tous trois issus de l’ancienne mouture de Pain Of Salvation pour leur album « Liaison de la Morte ». Cette ancienne collaboration étroite débouchera aussi pour l'anecdote sur une sorte de split nommé Dial, un projet regroupant des membres de chaque formation.
L’influence des suédois chez Cirrha Niva est d’ailleurs par moment marquée au long des quarante-six minutes et notamment sur le premier morceau « The Fooling ». Riffs syncopés, chant parfois rappé, intensité dramatique avec emploi de samples vocaux, l’atmosphère a dès lors des airs de « Perfect Element I ». Difficile de ne pas sentir également l’ombre de Dream Theater époque « Awake » voire celle de Ark jusque dans cette production un peu vieillotte que l’on doit entre autres à Jochem Jacobs (également guitariste de Textures)
Techniques sans être démonstratifs, les cinq surdoués se jettent à corps perdus dans des épopées électriques, Rob Willemse et Carlo Heefer en tête qui s’attribuent énormément d’espace grâce à leur six et sept-cordes, faisant état de leur virtuosité sans être outranciers dans le shredding ou dans des soli interminables. Titres longs, changements de rythme à grande échelle, « For Moments Never Done » ne connaît néanmoins pas vraiment de temps morts. Les Néerlandais font évoluer leur musique au gré d’orchestrations mélodiques, de moments empreint d’agressivité ou au contraire plus apaisés.
En ce sens, « Spring Before Winter » délivre grâce à une atmosphère presque floydienne une douce mélancolie. Legrand, sous des airs de Jorn Lande, calme ici son jeu vocal alors qu’intervient pour l’unique fois sur l’album un saxophone qui finit de planter le décor plutôt nostalgique du morceau. De même, la première moitié de « Running From The Source », comme une ballade acoustique, utilisant des guitares légèrement hispanisantes s’éloigne des ressorts plus graves afin d’afficher une belle sérénité. A contrario, apothéose d’un album qui dans son ensemble s’est voulu incisif, le titre « Self-Chosen » flirtant avec une rythmique trash, termine « For Moments Never Done » de façon tonitruante, concluant la cavalcade du quintet de façon vraiment percutante.
Avec ce dernier opus, Cirrha Niva a les épaules pour rivaliser avec l’élite du genre. Avec sa maîtrise du jeu, ses mélodies imparables et malgré une production qui aurait mérité d’être plus moderne, gageons que désormais une tribune entière leur sera accordée à chaque nouvelle création...