Knight Area, groupe néerlandais né en 1982, est le projet solo de Gerben Klazinga, l’homme qui y tient les claviers et à qui nous devons la composition des titres de ce "Realm Of Shadows" troisième réalisation du combo. Les deux précédents efforts, "The Sun Also Rising" et "Under A New Sign", respectivement sortis en 2004 et 2007, avaient reçu un accueil chaleureux des critiques, notamment sur votre site favori, et avaient permis au quintet de participer à la Rockfest en Allemagne, et d’y tourner avec la talentueuse formation qu'est Riverside.
Knight Area navigue dans les sphères encombrées du Rock Néo-Progressif. Cet album ne déroge pas à la voie choisie à la naissance du groupe. Comparé fréquemment à Pallas, à Collage et à Satellite son digne successeur (il a reçu en héritage une partie de ses membres), Knight Area, avec cette nouvelle production, se rapproche aujourd’hui fortement d’un mix entre Arena et Pendragon avec une propension marquée à sonner étonnamment, par moments, comme le premier nommé. Le petit monde du Prog étant décidément une grande famille, nous pouvons en retrouver d’autres membres au fil de l’écoute attentive de ce disque comme IQ ou Landmarq.
Je dois dire que cet album, pour l’amateur de Hard Mélodique que je suis, et contrairement aux sensations que j’éprouve fréquemment à l’écoute d’œuvres flirtant avec ce genre musical, ne m’a procuré aucun bâillement irrépressible, ni aucun agacement compulsif. En effet, les territoires ici empruntés ne sont pas bordés de plages évanescentes soporifiques, ni parsemées de florilèges de démonstrations techniques crispantes.
Alors me direz-vous, cet album serait-il dénué de sensibilité à fleur de peau et d’envolées instrumentales transporteuses ? Que nenni, vous répondrais-je, et là est bien le petit miracle auquel nous avons affaire. Car bien au contraire, cet opus, où guitares et claviers sont rois, est empli d’harmonies brillantes, de mélodies ciselées, d’émotions profondes distillées par la voix de Gijs Koopman qui sait y faire dans le trémolo dramatique, de parties de basse millimétrées (on pense à Geddy Lee de Rush sur l’instrumental "Momentum" voire à Chris Squire de Yes) et de claviers magnifiques qui évoquent parfois le Genesis de "Wind And Wuthering" notamment sur "Occlusion" le morceau final de onze minutes.
Mark Vermeule, le nouveau guitariste qui a rejoint le groupe pour l’opus précédant, est aujourd’hui très bien intégré dans la bande et nous propose de magnifiques parties de six-cordes dans la lignée des excellents Steve Rothery (Marillion) et Andy Latimer (Camel). Ses interventions lumineuses ne viennent jamais empiéter sur le territoire des claviers, à qui, bien au contraire, elles répondent ou se mêlent avec une harmonie jubilatoire.
Voilà donc un opus de Prog à hautement recommander aux amateurs du genre. J’avancerais même qu’il conviendra parfaitement aux non-aficionados qui trouveront, dans la richesse mélodique de chaque titre, dans la finesse des interventions de la six-cordes et des claviers, et dans la belle sensibilité artistique des compositions de ce "Realm Of Shadows", matière à vraiment passer un moment agréable. En effet, ce disque déclenche au fil de ses plages un flot d’émotions souvent intenses, cette œuvre exhalant en fait une sorte de nostalgie positive peu commune. Chapeau bas Messieurs.