2008 et 2009 représentent une période charnière pour Steve : divorce d'avec Kim Poor (et bataille légale assez âpre semble-t-il), création d'un nouveau label, Hackett Songs, et d'un nouveau site web avec système de commande en ligne, celui de Camino Records restant pour l'instant actif… Et une nouvelle compagne aussi, Joanne Lehmann, dont je parle puisque cette écrivain chante aussi quelque chœurs sur ce disque !
Après le magnifique album de musique classique de l'an dernier, "Tribute", Steve avait paraît-il commencé à travailler avec Chris Squire, projet communément appelé "Squackett". "'Out of the tunnel's mouth" n'est pas le résultat de cette collaboration mais Chris Squire joue bien sur le premier morceau du CD. Pour le reste, la basse est souvent assurée par l'ex-Iona Nick Beggs (également au stick). D'autres invités font une ou plusieurs apparitions mais l'équipe principale est toujours constituée du fidèle Roger King (claviers) et de Dave Stewart (batterie). On retrouve aussi John Hackett (flûte), Rob Townsend (saxo sur deux morceaux, qui ne sont guère jazzy), et d'autres invités au violon, alto et violoncelle, qui donnent une teinte orchestrale authentique à plusieurs morceaux (parfois par le jeu des enregistrements multiples).
Ce nouvel opus ne compte que 8 titres (6 morceaux chantés et 2 instrumentaux) pour un total d'un peu moins de 46 minutes, avec plus de longs morceaux qu'à l'habitude. "fire on the moon" rappellera un peu le meilleur de "To watch the storms" avec une alternance de couplets très doux sur fond de clavier cristallin et un refrain lent et majestueux, lyrique en diable, sans parler des magnifiques envolées de guitare électrique tellement typiques du musicien. Splendide entrée en matière, suivie d'une première surprise avec "nomads", titre ouvertement hispanisant à la guitare classique, qui sent la musique gitane et qui finit sur une partie instrumentale électrique rapide ! Surprise encore avec "Emerald and ash"... Pour une fois, Steve a composé deux longs morceaux atteignant les 9 minutes. Celui-ci est le premier, avec la contribution de son prédécesseur dans Genesis - il s'agit bien sûr d'Anthony Phillips - à la guitare 12–cordes ! Phillips joue sur la première des 3 parties, la plus longue, essentiellement acoustique et pastorale, un rien inspirée par des ritournelles de la 1ère moitié du 20ème siècle, tandis que la seconde est un instrumental pesant et baroque, presque menaçant, le morceau s'achevant ensuite sur un beau thème orchestral. "Tubehead" est plus bref, c'est l'un des deux instrumentaux du CD, à la fois rock, accrocheur et torturé, où Steve sort des sons invraisemblables de sa guitare pour notre plus grand plaisir ! "Sleepers" est l'autre longue suite, encore divisé en plusieurs parties. La première, avec guitare classique et orchestre, d'abord instrumentale puis ensuite doucement chantée rappelle le meilleur des classiques de Steve dans le genre pastoral. Aussi le contraste est-il saisissant avec la 2ème partie du morceau, au départ lourde et lente dans laquelle figure une alternance rapide entre soli de guitare électrique torturés et brefs passages orchestraux, avant que ne revienne le refrain sous une forme électrifiée puis le final, tout en délicatesse acoustique…
Second instrumental, "ghost in the glass" est censé être quelque peu jazz avec une belle intro intimiste acoustique mais devient vite symphonique, mélancolique avec une guitare électrique qui chante littéralement une mélodie un rien bluesy,. Un moment de grâce qui se termine hélas trop vite. Retour sur terre brutal avec le lent et très bluesy "still waters" qui fleure bon le vieux Willie Dixon binaire revisité par Led Zeppelin, bien gras, avec cette guitare tourbillonnante, morceau pourtant tempéré par des vocaux féminins presque gospel ! Si vous voulez entendre Hackett jouer le blues à sa manière, c'est là une belle occasion car sa guitare pleure et gémit comme jamais ! Après ce kaléidoscope sonore, Steve nous offre encore un dernier voyage, au-delà du Bosphore celui-là, avec les accents turques de "last train to Istanbul". Après une intro orchestrale pesante à la mélodie irrésistible, le morceau se met en branle sur un tempo moyen, accompagné de percussions orientales avec une guitare électrique discrète, puis c'est le sitar qui prend le relais, et ensuite une section avec solos de violon, de guitare et de saxo… Un titre original, envoûtant, plus réussi que "waters of the wild" sur "wild orchids" dans un style similaire. Dommage cependant qu'il ne s'étire pas encore un peu plus, avec peut-être un beau solo de guitare en final. Et voilà, nous sommes arrivés, tout le monde descend ! Comme souvent avec les disques du guitaristes, on se sent désorienté par son extrême diversité qui se révèle de plus en plus attachant au fil des écoutes successives, pour peu que l'on soit tolérant et éclectique… Evidemment, on aurait aimé un autre instrumental électrique lyrique ou peut-être un final à la guitare classique…
Bref, admettons le tel qu'il est : "Out of the tunnel's mouth" est un album fort, contrasté - comme tous ceux de Hackett - parfaitement arrangé et enregistré, bien chanté (je persiste à dire que les performances de Steve en studio sont très agréables), riche en émotions et en surprise… Prenez vos places et ouvrez grand vos oreilles, le voyage est unique et inoubliable !
NDLR : Retardé pour des raisons de bataille légale, le disque est désormais disponible sur le site suivant : www.hackettsongs.com