La prochaine fois où au cours d’une discussion vous entendrez évoquer ironiquement le mercato footballistique qui fait les choux gras de la presse spécialisée deux fois par an, tâchez d’avoir une petite pensée pour un autre petit monde d’échanges frénétiques, celui du Hard Rock. Vous verrez que les deux univers, sur ce sujet, ne sont pas si éloignés que ça l’un de l’autre. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer comment, à l’égal de celui où les petits bonshommes en short courent après une sphère, celle du Hard Rock est peuplée de migrations tout aussi fréquentes. « …Et vas-y que je te file mon bassiste, te gênes surtout pas mais je te pique ton batteur… ». C’est du pareil au même, sauf que ça ne passe pas sur Canal, ce qui est bien dommage soit dit en passant.
Choisissons au hasard le groupe Missing Tide si vous me le permettez.
Prenez le batteur (Tschicaja) et le guitariste (Kjaer) de Royal Hunt sur l’album « Eyewitness », notez que le premier a joué avec Kingdom Come et a tapé sur les fûts dans le dernier Pretty Maids, ajoutez-y le chanteur (Brokmann) qui officiait chez les « chasseurs royaux » avant que DC Cooper n’y débarque et qui tint également le micro chez Evil Masquerade, puis complétez la quartet avec l’ex-bassiste (Gram) de Manticora, de Wuthering Heights et d’Evil Masquerade pour obtenir le line-up danois de ce nouveau groupe qui se fait appeler « la marée manquante » (pourquoi pas me direz-vous). Belle brochette de transferts n’est ce pas ?!
Alors, quelle couleur de maillot… heu pardon (!), quel emblème musical va donc porter ce combo dont les membres ont traversé les univers du Métal Progressif, du Heavy Métal, du Power Métal Progressif, du Hard Rock, du Heavy Métal Théâtral et du Métal Progressif Mélodique ? Vous avez choisi ? Hé bien vous vous êtes trompé, la bonne réponse était « du Hard Mélodique » !
« Follow the Dreamer » sort donc dans les bacs deux ans après la venue au monde de Missing Tide et, à l’écoute de cet opus, nous sommes bien forcés de nous résoudre à la conclusion suivante : ce premier rejeton a eu de la chance car quelques fées ont eu l’obligeance de se pencher sur son berceau. Leurs baguettes, avec évidence trempées dans la fontaine de la « chasse royale », ont offert au nourrisson quelques gènes des deux papas ex-membres de Royal Hunt. En effet, on reconnait souvent au détour des mélodies, l’inspiration de ce talentueux groupe.
Toutefois, Missing Tide, qui a opté pour l’absence de claviers dans ses compositions, sonne moins classieux, moins grandiloquent que ses devanciers. L’approche musicale est ici plus brute et plus directe, le paroxysme étant atteint avec « Follow the Leader » le titre éponyme qui ouvre l’album (et son solo pompé de manière ahurissante sur celui du « Prisoner » d’Iron Maiden), le furieux « Traces of Fire » et son break ‘‘ à la Priest ’’ mais également avec « Dangerous » et son riff de plomb qui hache menu les mélodieux couplets et refrains.
Reste que ces trois brûlots, plus teintés Métal Mélodique que Hard Mélodique sont les trois chênes qui cachent la forêt de peupliers. Le reste de l’album est en effet plus dans la veine secondement citée et, je puis vous l’assurer, cette forêt a beaucoup de charmes (celle-là elle va plaire aux botanistes).
Missing Tide sait en effet y faire lorsqu’il charpente les refrains qu’il compose notamment ceux du très plaisant « Fairytale », du magnifique mid-tempo « Victim of a Crime », de « Push it to the Limit » qui sent le Royal Hunt à plein nez et de « Take Me High » et son riff à se disloquer la main sur son air-guitare. Ce sont les plus marquants, mais rassurez-vous, tous les morceaux, sans exception, sont porteurs de cette qualité mélodieuse. Voilà donc bien l’empreinte de ce groupe, sans omettre celle laissée par un art avéré pour sortir des riffs d’introduction du feu de Dieu.
Messieurs, avoir traîné vos guêtres au sein de combos de qualité était une chose, nous aguicher avec une belle pochette (que n’aurait pas reniée The Cure) et un logo ‘‘ saute à l’œil ’’ en était une autre, mais, alors que ces séduisantes promesses pouvaient déboucher sur un gros flop, réussir à nous proposer un album de cette trempe n’était pas gagné d’avance. L’entreprise est pourtant une réussite, elle comblera les amateurs de hard pêchu et mélodieux à la fois. Qu’on se le dise amis mélomanes, un nouveau groupe de poids est né !