Boister n’est ni un jeune, ni un nouveau groupe. “Some Moths Drink the Tears of Elephants” est le septième CD de la formation de la chanteuse-leader Anne Watts. L’enregistrement a été réalisé en 2008 dans le Mississipi sous la direction du célèbre producteur Jim Dickinson, malheureusement décédé depuis, le 15 aout 2009.
Le fait qu’un groupe expérimenté de Baltimore (Maryland) se rende dans le sud des Etats-Unis pour enregistrer un album avec un producteur de ce niveau pourrait placer le futur auditeur dans de bonnes dispositions. Pourtant, les premières pistes de l’album inspirent difficilement. Le morceau d’introduction peut sembler mal choisi mais s’inscrit cependant dans l’esprit de l’album. Les titres, plutôt épurés, trouvent leur intérêt lorsque guitare, clarinette basse ou trombone sont mis en valeur au long des séquences. Ces dernières sont souvent interprétées avec une réelle sensibilité et une virtuosité contenue. Les titres pour lesquels la partie chantée est courte, à l’image de "Stone", sont, sans être le but recherché par le groupe, de meilleure qualité. On peut regretter cependant que le fort potentiel de la basse ne soit pas mis à contribution le long du CD, tant pour l’instrument que pour son interprète, visiblement très expérimenté.
Morceau prometteur et ouvertement inspiré par Bertolt Brecht, “Song of the Eighth Elephant” est, de fait, une chanson à caractère intellectuel, en l’absence de qualités musicales. C’est, du reste, l’atmosphère générale de l’album.
Dans ce contexte, “Some Moths Drink the Tears of Elephants”, le morceau-titre du CD, débute très agréablement au piano. Malheureusement la voix est encore une fois plutôt limite, même si la justesse n’est visiblement pas la qualité première recherchée par la chanteuse. Le rapprochement à Piaf parfois évoqué est loin d’être évident et ne peut pas être considéré comme un compliment pour une interprète qui veut se donner une teinte avant-garde mais cependant décontractée. L’émotion n’est pas tout car pour l’auditeur, la beauté, l’harmonie, la mélodie et la justesse sont autant de qualités recherchées, plus ou moins consciemment.
« Nantes » est, en fait, une version peu engageante de la célèbre comptine « Dans les prisons de Nantes » que beaucoup d’enfants, d’hier et d’aujourd’hui, connaissent. La voix est presque désagréable pour un francophone tout comme l’accent plutôt gênant sur l’ensemble de l’album. Le fait de tronquer le titre est-il volontaire ? Heureusement le morceau, à l’instar de bon nombre des autres, est enluminé par la clarinette basse et la guitare.
Les courts passages d’accordéon, interprétés par Anne Watts le long de l’album, non seulement apportent peu mais introduisent un faux côté "européen" voire "cabaret d’avant guerre" souvent mal maitrisé et toujours mal venu. Peut-être n’est ce pas là le but recherché mais plutôt le simple plaisir de l’accordéoniste, dans ce cas peu partagé. Fort heureusement, le passage instrumental "Lia" permet à Curt Heavey, au banjo, de nous offrir une excellente et trop courte prestation d’un maitre de l’instrument phare du Dixieland.
Heureusement, des titres comme "Thought Bubble" et "Dance in the Cellars (Ardennes)" se montrent plus ambitieux grâce à des refrains bien interprétés et surtout à la prestation de la clarinette basse agréablement présente tout le long de l’album. Certains titres, à l’image de "Old House", sont de (trop) simples rengaines du niveau - sans côté péjoratif - d’une harmonie de village de qualité, mais qui n’aurait pas pour ambition d’enregistrer ses performances même si à maintes reprises la virtuosité affirmée de la guitare apporte à l’auditeur des moments agréables. Oublions "Zebra Laugh", un private joke, (l’enregistrement s’est déroulé au Zebra Ranch studio de Jim Dickinson) qui est un rire étouffé de 13 secondes et qui n’ajoute par conséquent rien au CD.
Cet album, il faut en convenir, montre un groupe de musiciens très expérimentés, tel Curt Heavey, grand guitariste et pédagogue reconnu. Pourtant la voix de Anne Watts, si encensée soit elle et si sympathique soit la personne, ne donne jamais réellement satisfaction. Comment acclamer une musicienne qui, visiblement, se livre à l’auditeur comme on se livre à son miroir ? Tout ceci fait preuve de sincérité et spontanéité (d’où la prise de son live) mais l’auditeur à l’oreille musicale (ou pas) recherche davantage l’émotion pour lui-même plutôt que celle d’une interprète qui intériorise bien plus qu’elle n’offre à son public. La voix est un instrument à part entière qui demande beaucoup de travail et de don de soi.
Certes, il existe toujours un auditoire pour s’extasier devant les enregistrements intimistes, "underground" et aux paroles volontairement confuses. Celui-ci trouvera certainement dans ce dernier album de Boister un enregistrement à entendre sans écouter et à conseiller à leurs amis. Une réalisation qui peut plaire mais qui musicalement reste pauvre...