Un célèbre musicien de métal disait récemment à propos du blues que ce style était tellement unique et restreint par nature, « car basé sur trois accords », qu’il était difficile de ne pas se plagier les uns les autres à longueur de temps. Pourtant, de nombreux artistes, en y apportant leur background, ont enrichi le genre, parfois au grand dam des puristes : touches rock, metal, jazz, progressive, cajun et j’en passe.
PorkBelly Futures a choisi de diluer son blues avec des influences folk et country qui viennent alléger et égayer ce style si particulier. Sous les termes de son mentor lui-même, ce style devient de la « North Country, Born Of The Blues ». Et considérer ce nouvel album comme un simple album de blues serait donc bien réducteur.
Comptant 14 titres, « PorkBelly Futures » pourrait sembler un peu lourd à écouter d’une traite... Eh bien pas du tout ! C’est justement grâce à cet habile mélange des genres qui laisse s’installer, développer et interchanger les ambiances que l’album se laisse écouter sans réel temps mort. Mais comme toute médaille à son revers, certains pourraient sourciller face à la parfois trop grande diversité des horizons musicaux développés ici (rock, country, folk, blues), et ils n’auraient pas tout à fait tort.
Coté texte, le groupe en connait un rayon et traite avec beaucoup d’à propos de la solitude, des amours perdus ou nouveaux, des histoires vraies sur des boxeurs malheureux ou des orages violents qui ont dévasté certaines régions, du printemps à Alberta, de filles aux jupes serrées…
Coté musique (j’y viens enfin), cet album contient de très bons titres à l’instar de« I Need My Heart » vrai rock n’roll porté par un grand piano (joué par Richard Bell, à qui l’album est dédié) et qui rappelle quelque fois le Lynyrd Skynyrd des débuts. On retrouve cette impression avec cet autre très bon titre qu’est « You Are All I Need », un titre très riche en ambiance et en changement de tempo dans lequel le texte est plutôt parlé. « Sad Old Love Affair », où la voix de Rebecca fait merveille, contient un superbe solo de guitare (exercice étonnament rare dans l’album). « Bon Vivant » et « Gotta Love a Train » sont d’autres titres tout en ambiance, lumineux et pas niais pour deux sous. Enfin le dernier titre, « Handsome Devil Ray », alterne des moments slow blues acoustiques, chantés par un Quarrington esseulé, et des passages plus enlevés à la Alanis Morissette ou l'on peut enfin prendre son pied en appréciant plus longuement le chant très authentique de Rebecca Campbell (son capital est malheureusement sous exploité à mon goût dans cet album). Un solo d’harmonica vient se poser sur la partie vieux blues et il ne manque malheureusement qu’un bon solo de guitare sur la partie enjouée.
Les autres titres sont, bien que moins marquants, tout aussi agréables à l’écoute, attentive ou distraite. « Sweet Daddy » qui démarre l’album de façon très convenue, développe un bon groove. La voix grave de Quarrington posée sur un harmonica diatonique double confère au titre une ambiance Bayou à la Neal Black. « March Storm » donne dans le bon vieux blues de Chicago, très roots, et doté d’un chant bien plus écorché sur les couplets, exécuté avec conviction. Les touches de flûte et de mandoline ajoutent un côté exotique qui donne un nouvel intérêt à ces éternelles mélodies. « Goin’ Down » est un blues léger à la George Harrison, « Alberta Springtime » un blues bien plus traditionnel, gavé d’harmonica et sur lequel Quarrington chante avec des accents à la Belushi ; « Steamwhistle» un shuffle assez enjoué et entrainant dans le quel on regrette une fois de plus de ne pas entendre plus longtemps le chant féminin. Si l'on ajoute un « Ain’t For Me To Say », dernier moment fort (j’ai pas dit folk !?), qui possède un petit côté « Route De Memphis » avec un goût de Mexique sur l’intro, on a presque fait le tour.
Difficile alors de dire du mal d’un tel album. Même si tout y semble convenu, Porkbelly Futures parvient à transformer l’essai avec brio. Les titres, assez court, évitent l’écueil de la lassitude qui prend au piège de nombreux groupes de blues (les soli à n’en plus finir) et l’éventail vocal de Quarrington est assez large pour maintenir l’intérêt au fil de l’album. Un néo-blues, teinté d’une bonne dosé d’humour, à la fois irrévérent et respectueux, voilà l’identité de Porkbelly Futures.