A la différence de certains pays du nord de l'Europe qui sont maintenant devenus des fers de lance de la scène progressive, l'Espagne est bien loin d'être une référence en la matière et rares sont ceux d'entre nous qui arriveraient à énumérer des groupes d'outre-Pyrénées en s'aidant des doigts de plus d'une main.
Pourtant, Psicotropia nous propose avec Luna Negra un premier album dont le moins que l'on puisse dire et que s'il passe inaperçu, ça ne sera pas par son manque d'originalité. Influencé de façon évidente par King Crimson époque Red, Pink Floyd et Jethro Tull, ce groupe se démarque cependant par de très bonnes idées et une personnalité propre.
En premier lieu, ce qui marque réellement à l'écoute de ce premier opus est la réelle recherche musicale, aussi bien sur le plan mélodique que sur celui des textures sonores. Ainsi, l'utilisation d'instruments devenus désormais classiques dans notre style de prédilection n'est pas en elle-même courante : la flûte traversière est parfois jouée d'une façon qui ferait hurler de terreur n'importe quel puriste classique, à savoir à grands renforts de bruits de gorges doublant la mélodie et apportant un côté certes "sale" mais pour le moins original. De même, le violoncelle est utilisé avec cette intention délibérée de privilégier le son brut de l'instrument plutôt que l'interprétation habituelle. Toutes ces caractéristiques sont enfin accentuées par une production typique des années 70's, entendez par-là que la qualité est plutôt médiocre, détail qui terminera d'en séduire certains et d'en agacer d'autres. De même, le chant vous renverra de façon évidente à certains interprètes de cette époque faste, faisant parfois penser à Frank Zappa.
Les compositions, quant à elles, oscillent entre des moments tranquilles que Pink Floyd n'aurait certainement pas reniés et certaines expérimentations hasardeuses rappelant indéniablement King Crimson ou renvoyant même, pour l'utilisation du violoncelle, aux hongrois d'After Crying. Le morceau Pqtq résume à lui-seul l'esprit Psicotropia en proposant, après une introduction somptueusement floydienne, une plongée délicieuse dans des rythmiques et des sonorités crimsoniennes.
Enfin, oscillant entre anglais et espagnol, le chant est extrêmement bien géré, alternant des moments de délires durant lesquels l'esthétique est laissée de côté, un final entièrement narratif et des moments sombres ou mélancoliques, en particulier dans la Suite Urdalia dont l'essentiel repose sur l'ambiance développée lentement mais de façon très efficace.
Luna Negra est donc un premier album qui en déroutera plus d'un mais devrait ravir tous les amateurs de découvertes inhabituelles, pour peu que vous ne soyez pas spécialement regardant sur une production qui, volontairement ou non, sent plus les 70's que le 21ème siècle.