A l'instar d'un Machine Head dont il n'a malheureusement pas connu la même éclatante trajectoire commerciale et sur lequel il s'est appuyé à ses débuts, Skinlab fait partie de cette seconde génération du thrash US de la Bay Area durant les années 90, génération animée bien souvent par des gaillards ayant déjà de la bouteille dans le genre. C'est le cas de Steev Esquivel, leader du sujet de cette chronique qui s'est fait remarqué durant la décennie précédente avec Defiance, qu'il a d'ailleurs remis sur pied il y a quatre ans et dont le nouvel opus - le premier depuis 1992 - doit également sortir prochainement.
Calendrier chargé donc pour le capitaine Esquivel qui ne nous avait jamais habitué à une telle activité. Pour preuve l'absence de son principal port d'attache depuis 2002 et Revolting Room, sept années seulement émaillées par la publication d'une compilation (Nerve Damage) et d'un live (SkinnedAlive!). C'est donc avec plaisir que l'on l'accueille ce retour aux affaires de Skinlab avec l'énervé The Scars Between Us, bloc de matière brute dans lequel les Américains sculptent un thrash moderne et épidermique, furieux comme il se doit bien que parfois assez rampant.
Doté d'un fuselage sonore massif et absolument énorme (la basse sismique vibre au point de faire exploser les compteurs Geiger) qui lui confère des allures de blockhaus, cet album témoigne de la vigueur de ses géniteurs, visiblement bien décidés à en découdre, ce qu'il font d'entrée de jeu avec "Face Of Aggression", qui écrase tout sur son passage. Mais derrière le blindage abrupte se cache toujours une finesse ainsi qu'une manière d'éviter la ligne droite, qui distinguent Skinlab de ses collègues bouchers. Les nombreuses ruptures qui cisaillent ce morceau en témoignent. Et ce n'est pas le seul.
Implacable, "Amphetamine Gods" déverse son quota de plomb tandis que des lignes de guitares mélodiques le transpercent. Tendus et denses, ces titres préfèrent dans l'ensemble enfiler la cuirasse d'un thrash mid-tempo et malsains ("Scream At The World", "Karma Burns", lancinante pulsation aux ambiances décrépies et quasi doom ou bien encore ce "Paper Trails" parfois au bord de la rupture) plutôt que la pellicule d'une vélocité qui leur sied néanmoins tout autant, à l'image des décharges "In For The Kill", "Wolvesblood" et le court crachat "Bloodclot".
Le travail sur le chant, tour à tour rageur, posé ou franchement vicieux, participent aussi d'une approche du genre plus intelligente que de coutume. Skinlab a une vraie vision du thrash, style qu'il sait faire évoluer tout en respectant le cahier des charges qui le gouverne. Au final, vous l'aurez compris, une (très) bonne cartouche explosive bien plus élaborée que le tout venant du metal pour bourrins, ce qui ne signifie absolument pas que The Scars Between Us soit mou de la douille, bien au contraire !