Après la claque prise l'année dernière par la découverte des allemands d'Alias Eye, autant vous dire que la réception de "A Different Point Of You" a provoqué une vague de fébrilité sans précédent au sein de Music Waves. Tous les échos nous laissaient penser que la suite de Field Of Names allait rester dans les mémoires et il nous tardait réellement de vérifier ces rumeurs, quitte à prendre le risque de subir une cruelle déception.
Rappelons tout d'abord que si tous les ingrédients classiques du rock néo-progressif sont certes présents chez Alias Eye, l'écoute de leur premier album laisse un arrière goût de "je-ne-sais-quoi" qui pousse à dire qu'ils ont malgré tout inventé quelque chose, une sorte de mélange de divers courants musicaux, agrémenté d'idées qui confinent au génie.
Les premières notes de leur nouvel opus donnent encore à penser que nous allons avoir droit à un grand moment musical. Après une introduction en douceur à grands renforts de crissements d'insectes et de bruits de marché (il me semble), des instruments orientaux vous plongent directement au Caire, ou dans tout autre endroit à votre convenance dans la même région. Et l'entrée d'une sonorité pour le moins rock ne fait que donner plus de puissance à un morceau qui va trotter dans votre tête un bon moment encore.
Quoique rien n'est moins sûr, en fait : nous avons tous connu ce phénomène qui fait qu'à la fin d'un disque, on ne peut plus s'enlever de la mémoire le morceau le plus agréable de l'album. Le problème avec "A Different Point Of You", c'est qu'il n'y a pas de morceau plus agréable que les autres car ils sont tous du même niveau. A la fin du premier morceau, résistez à cette envie bien naturelle de le remettre au début car sinon, vous risquez de passer à côté du second, puis du reste, ce qui serait dommage.
Et pourquoi cela serait-il dommage, après tout ? On s'attend à ce que, comme tous les groupes, Alias Eye fasse du Alias Eye aussi sur le second morceau, puis tout au long de l'album…. mais non, le second morceau est un rock avec refrain presque pop qui détonne complètement à côté de "A Clown's Tale", tendant à nous démontrer à nouveau que ces musiciens savent tout faire et maîtrisent tous les styles : renforts de cuivres sur "Fake The Right", accordéon pour l'inclassable "Your Other Way" ou travail du batteur aux balais, guitares et claviers jazz pour "Too Much Toulouse". Je pourrais vous parler de chaque morceau pendant des heures, de ces sensations que chacun m'a apportées et plus généralement de l'état de plénitude dans lequel m'ont plongé une fois de plus ces artistes.
Passons sur la production ; elle est tellement impeccable qu'il suffit de le constater, sans s'attarder sur le sujet. Mais je reviendrai sur les compétences techniques des musiciens. Comme pour "Field Of Names", le chanteur est à nouveau éblouissant et a sa personnalité propre, même si je note quelques intonations qui ne sont pas sans rappeler un certain Michael Sadler, des canadiens de "Saga". Mais braquer les projecteurs sur Philip Griffiths est également ne pas rendre justice au reste de l'équipe. Les orchestrations de Vytas Lemke m'ont fait froid dans le dos, le jeu de guitare de Matthias Richter est toujours à propos, tant dans l'interprétation que dans les sonorités choisies, et la section rythmique apporte une contribution toujours juste aussi bien dans sa présence que dans sa nécessaire discrétion si l'esprit du morceau l'impose.
Réjouissons-nous donc car avec "A Different Point Of You", Alias Eye a enfin inventé le mouvement perpétuel : en effet, depuis une semaine maintenant, leur petit dernier tourne sans discontinuer sur ma platine et il n'est pas près de se faire éjecter, parole de Batric…