L’artwork d’un album en dit souvent long sur son contenu et avec « Agents Of Fortune », Blue Öyster Cult passe en mode couleur. Le groupe n’en deviendra pas foncièrement moins froid, moins glauque, mais avec cet album, il apporte à son rock incisif et psychédélique une touche « pseudo pop » qui transforme un peu sa formule. Et dire qu’il venait de trouver le succès, la formule idéale avec le précédent « Secret Treaties »... Quelle prise de risque !
« Agents Of Fortune » est l’un des grands succès du groupe, succès dû en partie au titre « Don’t Fear The Reaper », un hit planétaire, qui fut de nouveau au cœur de la polémique. BÖC sait définitivement faire sa promo. Après les allusions au reich sur le précédent album, c’est la faucheuse qui focalise l’attention des fauteurs de troubles. Certains y ont vu des incitations au suicide, des pactes suicidaires entre deux amants, voire même une apologie de Peter Pan. D’autres, plus malins, y ont apperçu un clin d’œil au suicide collectif en masse de la secte de Jim Jones à Jonestown qui a eu lieu en 1978, soit deux ans après la sortie de l’album ! Mais trève de cancan et revenons à la musique.
Mille fois repris, joué dans de nombreux films d’épouvantes (la meilleure version reste celle des Muttonbirds dans « Fantômes Contre Fantômes »), « Don’t Fear The Reaper » crée le style « à la Buck Dharma » : une ambiance éthérée, portée ici par une cow bell, sublimée par la voix spectrale et mélancolique du moustachu, forte en mélodie de guitare qui file la chair de poule et garnie d’un passage instrumentale pesant, envoutant.
Mais limiter l’album à ce seul titre serait une bien grosse erreur. « E.T.I » est un autre tour de force, premier d’une longue histoire d’amour entre le Cult et les extraterrestres. Il possède un des meilleurs riffs de l’histoire du groupe. C’est aussi sur ce titre que Bloom nous fait avec sa voix, une très bonne imitation de décollage de soucoupe volante à chaque fin de refrain ! Mémorable ! « This Ain’t The Summer Of Love », entre tradition et modernité et bien moins rock qu’en concert, est un titre idéal pour ouvrir l’album. « Morning Final », très froid et pourtant agréable reste malheureusement méconnu. Enfin, « The Revenge Of Vera Gemini », étrange et lourd, mérite l’écoute d’autant plus qu’il est interprété avec Patti Smith.
Ont également le droit de cité le sombre et inquiétant « Tattoo Vampire », un « Sinful Love » superbement introduit par Buck et le très curieux « Tenderloin » et ses ambiances à la « Fantasy Zone » (un vieux jeu de console très coloré, pour ceux qui ne connaissent pas). « Debbie Denise » qui clôt l’album, doit être une amie de la famille, sympa mais un peu lourde.
Le groupe semble ici avoir délaissé ses allures martiales pour se tourner vers une science fiction plus innocente, grouillante de symboles et définitivement plus colorée. Les titres eux, cherchant à gagner en efficacité, perdent en longueur. Pour ceux qui souhaitent s’offrir ce sésame, qu’ils se tournent vers la version remasterisée. L’ensemble y gagne en puissance et chacun des titres bonus satisfait la curiosité. Blue Öyster Cult signe ici son quatrième album, et n’a jusqu'à présent fait aucun faux pas. Jusqu’à présent…