Le label ProgRock nous a offert il y a quelques mois une découverte de grand talent avec Jolly et chaque groupe sortant de cette écurie est attendu avec toujours autant de plaisir par les amateurs de rock progressif moderne. C’est une autre découverte que ProgRock nous propose aujourd’hui avec les suisses de This Misery Garden pour l’album Another Great Day On Earth. Le quintet se forme de cinq musiciens qui ont pu faire leurs armes ici ou là (Zuul Fx entre autres) et qui se réclament de Tool, A Perfect Circle et Katatonia. Il y a pire comme références.
La référence à Tool s’éclaire dès la première chanson, « Another Great Day on Earth » avec une section rythmique très caractéristique. Mais This Misery Garden y ajoute un mur de son que je rapprocherais d’un Devin Townsend. Les voix sont très éthérées, parfois trafiquées, et installent une atmosphère très proche de l’emo de A Perfect Circle (« Pantomimes » par exemple). Le côté sombre et mélancolique de Katatonia se retrouve aussi dans certaines parties vocales comme avec « Swan Song », une composition qui lorgne vers le doom atmosphérique des suédois. En ce sens, les inspirations sont avouées et assumées par le groupe, et on ne pourra pas leur reprocher. Alors on trouvera peut être des lacunes à ce disque du côté de l’originalité, mais quel groupe peut se targuer d’une totale virginité ?
La musique de This Misery Garden est dense et imprègne l’espace sonore d’une moiteur qui dérange aux premiers abords mais qui se veut très attachante au fil des écoutes. Les tempi sont souvent lent mais les suisses savent parfaitement accélérer et recentrer leur propos vers l’énergie pure, surtout vers la fin du disque. « On The Edge » débute sur un riff qui défrise et on jugerait entendre le meilleur de Tool surtout quand Steve (le chanteur) se veut plus agressif. Il n’y a guère que le refrain qui nous enlève Tool de la tête ; celui-ci est bien plus mélodique et immédiat que ceux de la bande à Maynard.
Entre la lourdeur des ambiances et la déferlante électrique de morceaux plus rentre-dedans, la jubilation est constante avec This Misery Garden. Même les ballades sont une réussite. Pour exemple, les légères modulations de « Bittersweet » sont déchirantes malgré leur apparente simplicité. Le potentiel émotionnel de ce titre comme de la plupart des autres compositions est assez époustouflant. La production rend hommage au travail des musiciens avec un rendu proche de ce qui se fait de mieux à l’heure actuelle. Remercions et Benjamin de Sybreed pour leur boulot derrière les manettes.
This Misery Garden affiche une insolente maturité pour un premier album et laisse entrevoir un avenir radieux si le groupe parvient à exprimer plus personnellement sa musique. Alors on établira un parallèle avec l’autre groupe suisse qui officie sous le même label et le même style, à savoir Prisma. Mais pour Prisma la référence à Tool va même jusqu’à donner à la voix de son chanteur des accents très poussés de Maynard James Keenan. Entre les deux formations c’est This Misery Garden qui a une plus forte personnalité.
Encore une excellente découverte du label ProgRock qui commence à collectionner les bons points. This Misery Garden arrive en fin d’année mais parvient à perturber la hiérarchie des sorties majeures de ce millésime 2009 exceptionnel. C’est un autre signe de la qualité et du potentiel de ce groupe.