Cet album ayant partagé la rédaction de Music Waves, vous trouverez ci-dessous deux chroniques dont l'avis est opposé.
---------- Avis de Nuno777 : 4,5/10 --------------
Le post-rock a le vent en poupe depuis quelques temps et un de ses nombreux représentants est le groupe allemand Long Distance Calling qui signe avec Avoid The Light son second album. En tant que Membre de SuperBall, on avait toutes les raisons d’avoir de bons préjugés sur ce disque qui malgré tout divise beaucoup les critiques présentes sur la toile. Certains sont enthousiastes, d’autres plus mesurés… Alors prudence...
Comme le veut le genre, Avoid The Light c’est 55 minutes de musique avec 6 titres lorgnant souvent vers les dix minutes. Le disque étant quasi intégralement instrumental (sauf un titre), la difficulté est de ne pas lasser ou même ennuyer l’auditeur avec de la soupe pour intellectuel. Et c’est malheureusement ce qui se passe avec le début de l’album et notamment les trois premiers morceaux qui, outre un développement atmosphérique très plat pour « Apparitions », ont du mal à convaincre. Il y a quelques riffs puissants mais ceux-ci tournent trop souvent en boucle et la mélodie est clairement déficiente dans la grande majorité des compositions de cet album. Il n’y a guère qu’avec « I Know You, Stanley Milgram! » et « The Nearing Grave » que l’auditeur a l’occasion de se faire un peu plaisir.
Pour le cas de « The Nearing Grave » c’est simple, c’est le seul morceau chanté de l’album et pas par n’importe qui. Le gosier de Katatonia, Jonas Renkse, a fait l’honneur d’apparaitre sur l’album des allemands pour un titre qui sonne comme du… Katatonia! Mieux vaut s’enfiler le dernier album des suédois qui reste une vraie réussite que d’attendre près de quarante minutes avant d’avoir un morceau qui tienne la route sur cet Avoid The Light. Et pour assombrir encore plus le tableau, les riffs de cet album sonnent souvent comme du sous-Tool (« I Know you, Stanley Milgram! ») et la quintessence du post-rock varié et riche ne semble pas dans la sphère de compétence de ces pourtant sympathiques allemands.
Premier petit faux pas pour SuperBall qui n’a pas eu le nez fin sur ce coup. On pourrait se dire que le disque mérite d’autres écoutes pour enfin y déceler ce qui fait le bonheur de certains critiques mais le peu de variété affiché lors des quelques écoutes nécessaires à une genèse de chronique m'a enlevé tout espoir avec ce disque qui manque cruellement de finition et d’intérêt. Trop de minutes dédiées à un grand rien qui pourront plaire aux thuriféraires du néant en tant que bruit mais qui restera bien loin derrière le génie d’un Oceansize.
---------- Avis de Childeric Thor : 9/10 --------------
Les étiquettes, c'est chiant. Ça vous met un nom dessus pour pas qu'on puisse vous confondre avec le copain. Et puis ça gratte. Prenez le post-rock. Voilà une appellation d'origine contrôlée qui ne veut strictement rien dire qui rassemble aussi bien des Neurosis que des Pelican dans le même sac.
Long Distance Calling fait paraît-il du post-rock instrumental. Bien. Pourquoi pas ? Mais à y écouter d'un peu plus près, n'a-t-on pas affaire finalement à une forme d'expression moderne du rock progressif des pères fondateurs ? Des titres longs, ambiancés et stratosphériques, de la technique, de la beauté et une émotion souterraine. Bref, ces Allemands sont sans doute plus proches d'un Pink Floyd, d'un Porcupine Tree que du Hardcore dont le post-rock est souvent un enfant bâtard. Et Avoid The Light, leur seconde échappée, est un chef-d'oeuvre absolu, à vous tirer des larmes.
S'il est parfois propulsé par des riffs bien épais ("Black Paper Planes", "I Know You, Stanley Milgram !"), leur rock a avant tout quelque chose d'une piste de décollage vers un ciel chargé de nuages. Néanmoins ceux-ci n'annoncent pourtant jamais une tempête à venir. De fait, cet album repose sur une grande fluidité, dépourvu de césures rythmiques, de moments de colère, ce qui ne l'empêche pas de suinter une mélancolie touchante et une certaine fébrilité, dont Jonas Renkse se fait l'acteur sur le poignant "The Nearing Grave", unique piste non instrumentale que le chanteur de Katatonia entraîne forcément, tant sa voie est reconnaissable entre mille et porteuse d'une grande tristesse, dans les caveaux de son port d'attache habituel (on pense notamment à Last Fair Deal Gone Down).
Soulignées par des claviers aux accents très progressifs et drapés dans la patine des seventies ( "Sundown Highway", "I Know You, Stanley Milgram !", dont l'intro n'est d'ailleurs pas sans évoquer, d'une manière lointaine certes, le "Shine On Your Crazy Diamond" de Pink Floyd), les guitares, belles et hypnotiques, constituent la colonne vertébrale de ces six morceaux souvent longs (deux d'entre eux franchissent la barre des dix minutes), vigies désespérée que l'on suit, envoûté, cependant que la batterie, pleine de rondeur, ancre le tout dans un socle mouvant.
Ces titres sont des voyages atmosphériques, percés par de multiples passages, (un peu) énervés par moment, beaux à en pleurer toujours, qui se délient, coulent sans heurts ni rupture pour former un maelström aérien.
Pas très original peut-être, mais Long Distance Calling sait faire parler l'émotion plutôt que l'innovation à tout prix et c'est pour cette raison que Avoid The Light est si réussi, à l'image du monumental "Apparitions" , lourd et feutré à la fois qui, à lui seul, justifie son acquisition, torrent tout en progression écrit à l'encre du désespoir ou de ce "Nearing The Grave", qui semble miné par une faute que l'on ne peut pardonné.
Ce disque prend aux tripes tout simplement. Post rock ? Si ça vous chante ! Progressif ? Aussi. Superbe ? Complètement ! Une gemme grise à conserver comme un secret.