Deux albums studio dans la même année, voilà quelque chose d’assez rare dans le monde du Rock. "Stormbringer" sort en effet en 1974, moins de huit mois après un "Burn" mémorable. Deep Purple, revigoré par l’arrivée de ses nouveaux chanteurs, en profite pour battre le fer tant qu’il est chaud.
Tout comme son prédécesseur, "Stormbringer" est le fruit de l’incroyable richesse musicale de la nouvelle formation. Coverdale et Hughes s’imposent encore plus sur ce second essai et l’enrichissent de leurs tendances : Rock et Bluesy pour Coverdale et bases soul et funky pour Hughes. Mélangé aux racines Hard Rock de Deep Purple, ces différentes influences amènent à un style très Rock, suave et chaleureux qui en devient groovy et sulfureux.
Revers de la médaille, c’est Ritchie Blackmore qui perd un peu de son influence. La guitare se fait moins présente, les soli moins furieux et 'Holy Man' est le premier titre du groupe sur lequel Blackmore n’est pas crédité. Mais ce dernier a déjà la tête ailleurs, tournée vers l’arc-en-ciel qui orne la scène lors des concerts et vers le chanteur du groupe Elf, un certain Ronnie James Dio, rencontré lors des premières parties. Autre différence notable, les claviers de Jon Lord sont moins présents sur les solo mais viennent renforcer la mélodie. Le son quant à lui, est bien meilleur que sur "Burn", plus rond et plus chaud.
Le titre d’ouverture, 'Stormbringer' est un Rock très lourd et puissant avec un riff d’enfer, l’alliance parfaite entre le groove et le Hard Rock alors que 'Lady Double Dealer' est un rock'n'roll endiablé et rapide. Ces deux titres sont sans doute les seuls de l’album à rappeler ce qu’était Deep Purple en 1971. 'You Can’t Do It Right' (encore un problème de nana) et 'High Ball Shooter' sonnent plus funky mais restent très efficaces. D’ailleurs, le riff principal de cette dernière chanson était déjà dans la tête de Blackmore durant les sessions de "Burn" et on peut en entendre des bribes dans le solo de 'Lay Down Stay Down'. 'The Gypsy' est la dernière contribution de Blackmore dans Deep Purple, un superbe morceau avec des paroles fortes et un solo d’une douceur rare.
Malheureusement, à vouloir enchaîner trop vite les albums, "Stormbringer" nous offre des titres plus superficiels comme 'Love Don’t Mean A Thing', 'Holy Man' (chanté exclusivement par Hughes) ou 'Hold On'. Heureusement, l’album s’achève sur un magnifique 'Soldier Of Fortune' sublimé par un David Coverdale en grande forme. Cette balade, exercice rare chez Deep Purple, est l’une des meilleures et Ritchie s’y révèle poignant, utilisant pour l'occasion une guitare acoustique.
Voilà donc un album assez différent des autres, avec des points forts et des faiblesses, sans doute révélatrices de l’agitation qui secoue le groupe depuis quelques temps déjà. Peu après, Ritchie Blackmore sera le cinquième musicien à quitter Deep Purple pour divergences musicales, laissant seuls aux commandes les deux derniers membres fondateurs : le claviériste Jon Lord et le batteur Ian Paice.