Les musiciens de Blue Öyster Cult sont des gens méticuleux qui proposent à leurs débuts un excellent rock assez froid et rigide, presque mathématique. Il n'est pas surprenant alors qu’ils aient pris soin de ranger en deux catégories (une par face, nous sommes à l’époque des 33 tours) les titres de cet album composé sur l’asphalte de Long Island.
Et, en bons pédagogues qu’ils sont, ils utilisent des couleurs pour ne pas se tromper ! Du noir pour la face A, dangereuse comme cette "Black Ice" anglaise, psyché et très hard rock. Du rouge ensuite pour la face B, plus sophistiquée, nappée de claviers et d’acide. Ils auraient pu pousser le vice jusqu’à appeler ce second album "The Red & The Black" mais préfèrent garder ce titre pour le premier morceau qui n’est autre qu’une reprise de leur propre composition 'I’m On The Lamb Ain’t No Sheep'. Alors, en princes de la métaphore qu’ils sont, ils le baptisent "Tyranny And Mutation".
Musicalement, le groupe poursuit sur sa lancée avec cette compilation de titres qui sentent l’expérimentation, l’audace et la poudre blanche. Blue Öyster Cult n’a pas peur de choquer, de perdre son auditeur dans les spirales du vinyl. 'The Red & The Black' et 'Hot Rails To Hell' sont des cavalcades sauvages et saccadées à couper le souffle.'7 Screaming Diz-Busters' est le titre psychédélique par excellence, sans doute l’expérimentation la plus poussée du groupe, forte en soli et cassures de rythme et déstabilisante avec ses vocaux délirants. Ce titre donne lieu à de sacrés jams en concert et sa version de 14 minutes présente dans l’édition remasterisée le prouve. Le mid-tempo 'O.D’d On Life Itself' est un très bon rock'n’roll qui parait presque banal au milieu de tout cela.
Sur la face rouge, Patti Smith signe un 'Baby Ice Dog' limite pop (et doté d’un break curieusement vide) alors que 'Teen Archer' voit la bande sortir ses pattes d’eph. La fin de l’album, moins inspirée viendrait presque décevoir si nous n’étions pas totalement happés par l’ambiance.
Blue Öyster Cult réussi la transformation avec ce deuxième essai mais va devoir faire évoluer sa formule pour survire et s’imposer auprès d’un plus large public. Il est à noter que l’inusable instrumental 'Buck’s Boogie', qui fait le bonheur des puristes à chaque concert est issu de ces sessions et se retrouve proposé dans sa version studio sur l’indispensable édition remasterisée.