Moonrise est le projet du claviériste et guitariste polonais Kamil Konieczniak, qui a déjà produit un premier CD au début de 2008 sur le même label et avec la collaboration du chanteur de Millenium, Lukasz Gall (alias Lukasz Galeziowski). Au lieu de jouer l'intégralité des instruments par lui-même, comme sur le précédent opus, Konieczniak s'est contenté des claviers, des guitares rythmiques (plus un solo quand même) et de la basse ! Pour le reste, il a enrôlé le batteur Grzegorz Jakiela, le guitariste Marcin Kruczek qui joue tous les soli de guitare sauf un, et le saxophoniste Darek Rybka qui agrémente plusieurs morceaux de ses volutes subtiles et planantes.
La musique de Moonrise est définitivement planante avec néanmoins de belles envolées dynamiques et rapides dans lesquelles brillent des soli de guitare splendides qui rappelleront sans doute le style du Steve Rothery de la belle époque (avec un son un peu plus rugueux) mais aussi celui, à la fois bluesy et lyrique, de David Gilmour - une référence qui semble devenir plus ou moins à la mode ces dernières années. Les influences musicales sont relativement évidentes, à rechercher du côté du rock progressif de Marillion et IQ, avec une bonne dose de Pink Floyd - sans parler de Collage et Millenium bien sûr pour les compatriotes, deux groupes qui sont eux-mêmes largement inspirés par ceux déjà cités.
Malgré la présence du saxophone ici et là, le jazz ne fait pas partie des influences décelables. Néanmoins, il y a ce petit quelque chose en plus qui rend cet album peut-être plus remarquable que ceux des autres groupes auxquels on appose cette étiquette de "rock néo progressif". C'est peut-être tout simplement le choix des mélodies, toutes relativement accessibles mais aussi inspirées, emplies d'une mélancolie plus ou moins typique des groupes progressifs de cette région d'Europe. Les arrangements sont quant à eux superbes, dominés par les claviers et les guitares électriques (parfois aussi acoustiques), plus un peu de saxophone. La section rythmique est finalement assez en retrait, parfois totalement absente sur certaine sections, ce qui ne l'empêche quand même pas de s'exprimer sur un certain nombre de passages plus rapides, ou sur des morceaux contenant des parties plus puissantes comme "Icarus", aux accents un peu "space rock" dans laquelle Marcin Kruczek se lâche davantage.
Kamil est un mélodiste hors pair, et ses morceaux, qui laissent une large place aux sections instrumentales, ne sont pas pour autant de simples prétextes à des démonstrations de virtuosité. Notre homme délivre bien quelques soli finalement assez classiques mais si les synthés sont mis à l'honneur c'est surtout au travers de très belles orchestrations où se mêlent sons du passé (cordes très réalistes, mellotron, piano, moog, rarement un orgue) et d'autres plus modernes, très "space rock", avec parfois une certaine recherche sonore réjouissante. Le saxophone, qui pourrait paraître un peu incongru, est en fait joué avec beaucoup de finesse et de lyrisme.
Sur les huit morceaux proposés, un seul est bref, Konieczniak préférant s'exprimer dans des pièces allant de 6 à 13 minutes, laissant de larges places pour les instruments solistes, en particulier la guitare électrique et, dans une moindre mesure, le saxo et les claviers. Et pourtant, le chant de Lukasz Gall est un des atouts importants de Moonrise, immédiatement reconnaissable, légèrement voilé mais toujours juste, subtil et puissant lorsque c'est nécessaire. Il est en fait plus attachant que dans son groupe d'origine, Millénium ! Peut-être à cause du son, plus riche en réverbe et plein d'ampleur, allez savoir… Difficile de citer des titres plus marquants car ils sont tous réussis. "The greatest miracle", le morceau le plus long et plus ou moins constitué de trois parties, dont deux sont essentiellement instrumentales, n'est pas forcément le plus marquant, car il ne fait que récapituler un peu toutes les caractéristiques des pièces précédentes sur une durée plus longue. C'est avec ses pièces les plus planantes comme "Angels' hidden plan" (au départ assez sombre, façon IQ, avec un chant qui se rapproche même un peu de celui de Peter Nicholls) et "Empty lines" que Moonrise pourra peut-être toucher davantage l'auditeur. Evidemment, certains préfèrent le rock progressif plus agité et plus complexe –et pour ceux-ci, "Soul's inner pendulum" n'est d'ailleurs pas spécialement conseillé !- mais l'alliance de ces sonorités profondément belles et d'un chant émouvant dans un cadre plus intimiste me semble être la force principale du groupe.
Alors certes la musique de Moonrise ne révolutionne pas le paysage sonore progressif mais bon sang, que tout cela est inspiré sur le plan mélodique, arrangé avec bon goût, parfois touchant d'émotion (grâce notamment à la voix de Lukasz Gall) et tout simplement bien fait ! Des qualités qui méritent vraiment que l'on y prête une oreille attentive, même en étant un amateur de progressif un peu blasé !