Chut…Ne leur dites pas trop fort, mais Saviours semble encore persuadé que l’avenir du Thrash, réside dans la Bay Area (San Francisco et ses environs) et que le "Bonded By Blood" d’Exodus représente toujours le nec plus ultra en termes de production et de qualité sonore. Autant vous dire que le réveil risque d’être brutal ! En effet, ces californiens pratiquent un thrash métal très «old school» (à l’opposé total de la démarche d’un Shadows Fall par exemple), et qui renvoie aux premiers albums d’Exodus, de Metallica, de Motörhead, d’Orange Goblin ou de Dark Angel. Ils poussent le vice jusqu’à doter leur disque d’un son que l’on pourrait qualifier d’obsolète (le mot « périmé » m’a effleuré l’esprit). En effet, difficile d’imaginer que, à une époque où le moindre petit groupe auto-produit réussi à se doter d’un son correct, un son aussi rugueux soit dû à autre chose qu’à la nostalgie d’une époque où l’enregistrement d’un disque nécessitait des moyens financiers bien plus conséquents qu'actuellement.
Au-delà de cet aspect de forme, la musique de Saviours ne semble avoir pour seul intérêt que de nous replonger dans une époque révolue, celle de l’âge d’or du Thrash. De fait, quasiment chaque morceau donne un sentiment de déjà entendu. Que ce soit un riff, une mélodie, un break ou un roulement de batterie, on passe son temps à avoir le sentiment de reconnaître ici où là, Exodus, Motörhead, Maiden ou bien Kreator, mais ce sans réussir à faire le lien avec un titre précis.
Ce n’est pas désagréable, et l’on doit reconnaître au groupe une capacité à recréer l’essence même d’un style sans pour autant faire du plagiat pur et simple, mais il faut bien admettre que cela est un peu futile, et que si le disque possède de bons moments, le résultat global est assez décevant. En effet, si l’on écoute avec plaisir le très bon et mélodieux "We Roam", "Livin’ In The Void", "Slave To The Hex", "Burnin’ Cross" et ses harmonies de guitares made in Iron Maiden, ou bien "Acid Hand" et son final typiquement speed, il n’y a pas non plus de quoi s’enflammer et crier au miracle.
Et si je dis que l’on « écoute » ce disque avec plaisir, je n’ai pas pour autant dit que l’on le « réécoute » avec le même plaisir. En effet, la plupart des autres morceaux sont assez redondants et peu inspirés, et la voix monocorde au possible de Austin Barber, a tôt fait de lasser, voir même d’insupporter. Et de fait, à l’issue d’une audition, on a fait le tour de la question. Prolonger le plaisir semble un peu déraisonnable et pour tout dire, pas forcément très sain.
Tout au plus peut-on apprécier une petite orientation Stoner qui renvoie à Orange Goblin ou à Black Sabbath sur certains titres, mais c’est bien la seule petite fantaisie que se permets Saviours .
En résumé, un disque sans prétention et qui transpire l’honnêteté, que les fans de Thrash des années 80 écouterons avec un rictus de plaisir au bord des lèvres, mais dont l’abus semble hautement déraisonnable. Il n'est d’ailleurs même pas certain que cet album soit aujourd’hui considéré comme un classique s’il était sorti il y a de cela une bonne vingtaine d’années.