Ce qui rend Split si foncièrement sympathique, c'est sa sincérité. En effet, quand bien trop de suiveurs, puceaux de l'imagination, se contentent de photocopier une recette qui a fait ses preuves et, ce faisant, n'osent prendre (surtout) aucun risque, ces Lorrains se vident de la musique qu'ils ont dans le sang sans chercher à savoir dans quelle case prédéfinie celle-ci doit forcément se ranger. Eux n'en ont cure. Et de toute façon, si vous leur demandez quel style ils pratiquent, ils seraient bien en peine de répondre.
De ce détachement découle en fait toute la valeur de la plastique que ces mecs peignent avec un mélange de mélodie, d'énergie digne de celle qui propulse les vagues lorsqu'elles se fracassent contre un mur de falaises, d'émotion aussi. Encore peu connu, Split a pourtant déjà accouché de trois démos depuis sa mise en service à la fin des années 90.
Concentré d'intensité brute de trente minutes peut-être, "Tales Of Vanity" n'a pas besoin de plus pour confirmer tout le potentiel de cette équipe qui s'est déjà frotté sur les planches à quelques noms de la scène hexagonale telles que Dagoba ou L'Esprit Du Clan. Une écoute distraite des cinq pistes au programme permettra sans doute de définir un death-metal mélodique à la suédoise aux oripeaux thrash et hardcore. Les éructations d'Adrien ainsi que certaines parties de guitares façon In Flames ("D'eau claire et d'acier") participent de cet arrimage.
Mais, pour la raison énoncée plus haut, "Tales Of Vanity" n'est jamais parasité par les stéréotypes qui polluent désormais le genre maintenant qu'il est devenu une influence pour beaucoup. A l'image du visuel qui lui sert d'écrin, inspiré car s'extirpant du conformisme esthétique du death-metal, de la musique forgée par Split respire une profonde liberté, ce qui leur permet de poser un instrumental guidé par des lignes de guitares d'une belle justesse de touche lequel, placé en milieu de parcours, fait office de pivot d'un album élaboré comme un concept. Le foisonnant "The Least Of Our Smiles", sans doute l'Everest de "Tales Of Vanity" et ses multiples couches, illustre également très bien cette absence de carcans.
Surtout, Split réussit l'exploit de donner l'impression que son disque ne dure pas une petite demi-heure mais le double ! Il y a là autant d'idées (les fractures rythmiques cisaillant "Halcyon Stream" par exemple) que de passagers dans une rame de métro francilienne en fin d'après-midi. Les morceaux, forts de développements assez longs, ont du relief et une enveloppe séduisante car taillée par des musiciens (dont le batteur de l'excellent Caldera) réfléchis et que l'on sent bien rodés. De la musique en mouvement perpétuel et un groupe qui devrait s'imposer parmi les meilleurs soldats français d'un mental moderne et traditionnel à la fois.