"Somewhere To Elsewhere", le dernier album studio de Kansas laisse les fans du groupe orphelin de nouvelles compositions depuis neuf ans déjà. Ces derniers, lorsqu’ils apprirent que quatre musiciens du combo projetaient de mettre au monde un nouveau projet, vacillèrent sur leurs jambes. Pensez donc, assister à la réunion de Billy Greer (bassiste), Phil Ehart (batterie), Rich Williams (guitare) et David Ragsdale (violon) au sein d’une nouvelle entité avait de quoi les émoustiller méchamment. Ils parcoururent certainement à deux fois l'article annonciateur de la bonne nouvelle, histoire de voir s’ils n’avaient pas, dans leur précipitation fébrile, négligé de lire le nom de leur idole de frontman Steve Walsh, mais hélas, trois fois hélas, ils durent rapidement se rendre à l’évidence, le claviériste bondissant n’était pas prévu à bord de cette nouvelle fusée. Native Window avait bien mis les gaz sans lui. Remarquez, s’il avait fait partie du voyage, nul doute que le groupe se serait appelé…Kansas ! Alors, Kansas or not Kansas ?... Est-ce que 4/5 d’un groupe sonne comme son entier ? Avant de résoudre cette équation mathématique, procédons à quelque introspection.
Pour commencer, vous aurez très certainement noté, si vous avez suivi, que n’a pas encore été abordé dans cette chronique le sujet du vocaliste du groupe. Les fins limiers auront certainement déjà deviné que Greer allait se charger de titiller le microphone. En effet, habitué à assurer les backing-vocals chez Kansas et à accaparer le devant de la scène chez Seventh Key son autre groupe, Greer était tout désigné pour prendre la place de Walsh, et ce garçon-là méritait certainement mieux que de rester dans l’ombre vocale du claviériste. Enfin, quoiqu’il en soit, question cordes vocales, il a visiblement moins souffert des affres du temps que son ex-compagnon de route. Ses trois compères assurent quant à eux, il convient de le noter, les backing-vocals de manière plus impliquée que dans Kansas où ils se contentaient de balancer quelques ‘‘ouh ouh’’ voire ‘‘aah aah’’ de bien innocente facture.
Les musiciens de Native Window n’ont visiblement pas souhaité proposer une copie carbone des productions de leur groupe fétiche et il ne faut pas attendre d’avoir écouté tout l’opus pour s’en rendre compte. Il y a plusieurs raisons à cet état de fait. En effet, pas besoin de posséder une seconde oreille pour remarquer l’absence des claviers, nulle nécessité de consulter un chronomètre pour repérer l’inexistence de chansons longues (un seul morceau dépasse les cinq minutes…de 15 secondes !) et sans être un mélomane averti, il est aisé de noter que la prog-touch est restée au vestiaire. Lors d’une interview, les membres du groupe avancèrent même que de leur faire savoir que Native Window ne ressemblait pas à Kansas était le plus sympathique compliment qui puisse leur être fait. Ajoutez à ces différences une présence mineure de guitares électriques, l’acoustique étant à l’honneur, quelques paroles un peu mièvres et l’opposition sera complète (relisez celles de "Point Of Know Return" de Kansas au cas où vous auriez dormi depuis votre dernière écoute). A contrario, restent comparables les messages positifs et surtout le violon, pierre angulaire de cet opus et seule véritable estampille Kansas du produit.
Au rayon des réussites, nous rangerons le titre d’ouverture (une reprise d’un groupe qui a disparu d’après Ehart) "Money" malgré ses paroles un peu trop marquées ‘‘peace and love’’, "Miss Me", "Got To Get Out Of This Town", tous deux plutôt proches de Kansas tout de même, le bien pensé "Still (We Will Go On)" mis à part les ‘‘na-na-na’’ qui s’éternisent à la fin, et le mélodieux "Surrender". A celui des ratages, nous remiserons le bluesy "Blood In The Water" peu convaincant.
Deux bonus avant de passer à la conclusion de cette chronique, une page culturelle et une page comique. Pour la première, sachez qu’une Native Window est en fait la page d’ouverture d’un ordinateur. Pour la seconde, écoutez le démarrage du titre "An Ocean Away": mais oui, vous l’avez tous reconnue !...c’est la Macarena !
Phil Ehart, seul membre du Kansas des origines, en réponse à un journaliste lui demandant comment le groupe était né, a lancé un jour en souriant que l’idée leur était venue à l’écoute, lors d’un concert de Kansas, du groupe qui ouvrait pour eux. Ne trouvant pas la performance d’un haut niveau, ils s’amusèrent à imaginer qu’ils assureraient eux-mêmes leur propre première partie, sous un autre nom et affublés de déguisements. Tout ceci est très bon enfant et, à l’écoute de ce disque, il reste tout de même le sentiment que ces glorieux anciens (si vous trouvez des photos sur le net, vous verrez que c’est dur pour tout le monde…) ont simplement ici voulu se faire plaisir. Parviendront-ils à vous communiquer leur allégresse ? Tout dépend si vous êtes prêt à entendre du Eagles avec un violon. Pour ma part, en tant que fan de Kansas, ce n’est pas complètement gagné.