11 années se sont écoulées depuis la disparition des écrans radars d'un des derniers rescapés de la fameuse école progressive allemande des 70's, celle qui donna naissance au Krautrock et à ses multiples dérivées. 11 années depuis la sortie d'un Ocean II formidable point d'orgue d'une carrière sous-estimée à tous points, la plupart des "critiques" ne voyant en Eloy qu'un nième avatar, pour ne pas dire clone_le_talent_en_moins des Pink Floyd et autres Genesis. 10 années également depuis l'une de mes plus grandes déceptions musicales, l'annulation du quasi-dernier concert du groupe, au Futuroscope à deux pas de chez moi !
Et depuis, hormis une double-compilation pour solde de tout compte (Timeless Passages) parue en 2003, aucun trace du groupe, ni dans les bacs (si ce n'est les rééditions du back-catalogue), et encore moins sur Internet où leur site initial hébergé à l'Université de Saarbrücken et tenu par un fan finit par disparaître, faute de nouvelles fraîches. En cherchant bien, on apprenait quand même que Franck Bornemann conservait toujours les deux pieds dans la musique, mais en se consacrant à l'exploitation de son propre studio d'enregistrement.
Et puis, début 2009, une petite brève sortie d'on ne sait où annonçait que notre allemand au béret travaillait sur de nouvelles compositions, destinées à être enregistrées par Eloy. Espoir confirmé en cette fin d'année magique par la sortie d'un nouvel opus studio, sobrement intitulé Visionary, qui lui-même précède la sortie d'un DVD retraçant les 40 ans de carrière du groupe, le travail de résurrection des archives étant à l'origine de la reformation. Mais après tout ce temps, et devant la prolifération exponentielle de groupes évoluant dans la sphère progressive, que pouvons-nous attendre aujourd'hui de ce dinosaure ?
Premier constat dès les premières mesures de The Refuge, LE son Eloy, reconnaissable entre mille, est toujours là. La production, bien que plus légère et moins grandiloquente (il manque les chœurs !) que dans Ocean II est toujours aussi énorme. Les guitares sont acérées, les claviers planants remplissent l'atmosphère… Et la basse de Klaus-Peter Matziol se montre une nouvelle fois digne des plus grands, Chris Squire en tête. Bref, pas de révolution à attendre, et c'est avec un plaisir non dissimulé que le fan du groupe, en manque depuis tant d'années, retrouve un univers familier et bien balisé.
Petite nouveauté, qui sonne d'ailleurs plus comme un retour aux ambiances des années 70's, la flûte est omni-présente sur les deux premières plages, apportant une petite touche Jethro-Tull-esque plutôt sympathique à l'ensemble. Et si Age of Insanity va également se placer rapidement aux côtés des grands classiques du groupe, le charme lié au plaisir de redécouvrir le groupe va rapidement s'écorner, la faute à une impression, tout d'abord diffuse puis franchement envahissante, de déjà-entendu au fil de l'avancée du disque.
C'est tout d'abord The Secret, qui va titiller l'oreille. Mais c'est sa deuxième partie, The Mystery, qui va reprendre moult recettes présentes dans l'album Planets, et notamment la plage Sphinx. Alors certes, il ne s'agit pas de plagiat et les aficionados occasionnels du groupe ne seront pas perturbés par ces emprunts tant les 9 minutes de ce titre vont s'avérer plaisantes. Il n'empêche qu'un léger malaise persiste. Quant à The Challenge, aucun doute possible puisque le sous-titre parle de lui-même : il ne s'agit ni plus ni moins que de Time to Turn, deuxième partie, dont les couplets et le refrain sont on ne peut plus proche de la version originale publiée en 1980. Et pour couronner le tout, et terminer l'album, Thoughts nous propose une petite ritournelle acoustique furieusement proche du thème de Company of Angels (sur l'album The Tides Return Forever).
Vous l'aurez compris, c'est avec un réel plaisir que j'ai retrouvé ce groupe trop longtemps disparu. Néanmoins, tel un diesel, il semble que la remise en route s'avère légèrement poussive, et les grands connaisseurs d'Eloy risquent d'être, non pas déçus, mais disons-le franchement, de rester quelque peu sur leur faim, la faute à des compositions un peu trop proches tant par les mélodies, les rythmiques ou les sonorités, de compositions précédemment publiées. Un petit débat s'est d'ailleurs instauré au sein de MusicWaves, pour déterminer si la connaissance encyclopédique de la musique d'un groupe (ce qui est mon cas concernant Eloy) était un avantage ou un inconvénient pour juger de la qualité ou non d'une nouvelle production. En l'occurrence, on peut dire que ça coûte à l'album quelques dixièmes de points, compensés cependant par le plaisir de retrouver le groupe après tout ce temps… En espérant une suite à l'aventure !