Overkill est un groupe qui ne cessera jamais de m’étonner. En effet, voici le genre de combo avec lequel il faut s'attendre à tout, tant il est capable du bon comme du moins bon. Imaginons que vous ne connaissiez pas du tout Overkill, que vous vous décidiez enfin à combler cette lacune et que vous jetiez votre dévolu sur un des disques du groupe au hasard. Votre démarche s’apparenterait à jouer à la loterie tant la production d’Overkill est qualitativement en dent de scie.
Naturellement, il arrive souvent que le changement de musiciens au sein d’une formation apporte de notables modifications à la musique d’un groupe. Mais quand le line-up ne change pas d’un iota ? Comment peut-on passer d’un disque plat comme "Immortalis", leur précédent effort discographique, et nous balancer ensuite en pleines ouïes un disque de la trempe d’"Ironbound" ? Passe encore si le groupe en était qu’à ses premiers coups d’essai, mais dans le cas d’Overkill, un album comme "Immortalis" peut s’appréhender après coup comme un grand foutage de gueule.
S’il n’y avait pas la voix de Bobby Ellsworth, on pourrait presque se demander s’il s’agit bien du même groupe. Avec "Ironbound", Overkill vient de retrouver une inspiration complètement inattendue, pour ne pas dire inespérée. D'entrée, l’intonation de l’album est donnée. Overkill revient à un thrash des familles. Un thrash très typé années 80, jalonné de riffs bien sentis mais pas innovants, un thrash traditionnel traversé de vrais soli de guitare inspirés mais pas renversants, un thrash "overkillien" avec ses parcimonieux breaks et variations rythmiques dont les quelques passages adoucis et mélodiques comme sur "Ironbound" ou l'intro du racé "The Head And Heart".
C'est le début de l'album qui vaut avant tout le détour. Avec un titre comme "The Green And Black", on ne peut s’empêcher de dresser un parallèle, moins dans le fond que dans la forme, avec "Clenching The Fists Of Dissent" de Machine Head. Ensuite on se prend en pleine tronche les titres ultra efficaces que sont "Ironbound" et "Bring Me The Night", appelés à devenir des classiques supplémentaires au répertoire du groupe. Le premier offre un passage mélodique qui n'est pas sans rappeler un moment UFO période Schenker. Quant au second, titre coup de poing avec des soli d'enfer, il n'est pas sans évoquer dans sa rythmique le Motörhead des années 80 ou dans un même ordre d'idées des groupes comme Tank ou Battleaxe.
Sans doute moins marquant, le reste de l'album s'étire néanmoins en un très bon thrash, franchement plus énergique que sur certaines productions passées, avec des moments plus ("In Vain" ou "The SRC") ou moins accrocheurs ("The Goal Is Your Soul" ou "Endless War"). Overkill nous balance ici un album à rallonge, avec des titres oscillant autour des 6 minutes en moyenne. Et c'est ici que réside la toute petite faiblesse d'"Ironbound". Si la plupart des titres, surtout les premiers, ne sont pas handicapés, loin s'en faut, par leur longueur, d'autres perdent un chouilla en efficacité à cause justement de leur étirement pas vraiment nécessaire.
Mais bon, on ne va pas chipoter, car l'essentiel est quand même là. Avec "Ironbound", Overkill prouve qu'il est capable de raviver la flamme d'un thrash classique bien inspiré. Certes, cela n'est certainement pas leur tout meilleur album, mais vu que le groupe américain a fait largement moins bien par le passé, on ne va quand même pas gâcher notre plaisir de l'écouter à un de ses meilleurs niveaux. "Ironbound" scelle une sorte de retour aux sources et cela fait réellement plaisir. Et c'est bien là le plus important, d'autant plus, qu'on ne s'attendait plus vraiment à se prendre une telle bouffée revigorante de thrash de la part d'Overkill.