Le premier album de « l’usine à rêves » semble avoir compté plus de détracteurs que d’adeptes.
« Poles », sorti en 2008 (le groupe ne chôme pas) fut le premier essai du portugais Hugo Flores sous cette formule. Chroniqué en ces pages, il propose un prog’rock très riche et dense, à l’image d’un Ayreon, composant un univers très compliqué même pour certains adeptes de musique structurellement complexe. Le chant y est assuré par la finlandaise Jessica Lehto, issue du milieu du metal gothique, et verse dans un genre lyrique.
Hugo Flores, en musicien accompli qu’il est, gère seul toute l’instrumentation (et le Monsieur n’est pas manchot, surtout à la guitare). N’ayant pas de qualité de batteur, il avait sur « Poles » utilisé une boite à rythme qui rendait l’ensemble encore plus hermétique à l’adhésion. Pourtant, avec un effort d’écoute, ce premier album se révèle une expérience assez agréable et pour le moins originale.
Si je reviens avec détails sur ce premier opus, c’est qu’il peut servir d’introduction à la présentation du nouvel album. Car si sur la forme, la formule reste inchangée, avec « A Strange Utopia », Factory Of Dreams passe à la vitesse supérieure en proposant un album plus riche, heavy et complexe. Si ! C’est possible ! Même si cela rend certains titres assez difficiles d’accès. Le bien nommé « Chaotic Order », l’obscure « Garden Of All Seasons » ou le très long “E-Motions” démarrant en douceur et se poursuivant dans un déluge de notes, sont autant de titres lourds à digérer malgré une qualité certaine. Heureusement la majorité des compositions ne dépasse pas les 5 minutes, évitant l’écueil tentant, surtout dans ce style, de la longueur.
Le problème ici est que, trop souvent, on a l’impression que plusieurs pistes différentes sont mixées ensemble. Ce sentiment perturbe l’écoute et le plaisir. Les mélodies et rythmes se chevauchent pour donner une impression générale assez désagréable, et Flores pousse tant le côté progressif de sa musique qu’il devient difficile de discerner son intention. C’est ainsi qu’au fil de l’album on passe par moment du coup de génie à une totale cacophonie.
Et ces coups de génie, parlons-en. L’Ayreonien « The Road Around Saturn » et son break de batterie bluffant, “Destructible Destruction” volontairement déstructuré et hypnotique, “Slow Motion World”, “Vacation In Venus” et son piano cristallin copulant avec une grosse guitare sont autant de moments de plaisir, pour peu que l’on adhère au chant haut perché de Jessica Lehto. Flores possède également un grand sens de la mélodie, certains de ses arrangements font merveille et des passages plus catchy maintiennent l’auditeur attentif.
Deux titres bonus sont ici proposés et si le premier n’est qu’un court instrumental dispensable, le second, version allégée du très bon « The Weight Of The World », facilite l’accès à cette grosse machine épique.
Factory Of Dreams propose donc une musique à double tranchant. La déception pour l’auditeur peut être à la hauteur de la démesure du projet. Un sentiment mitigé au sortir de cette écoute parait fort probable même si j’aime à croire que « A Strange Utopia » trouvera son public. Par contre, que le groupe se dégotte un batteur très vite ! Cela lui permettrait de doubler d’entrée de jeu le capital d’adhésion des mélomanes que nous sommes.