Emerson, Lake & Palmer et le live, c’est une grande histoire d’amour. Pour 9 à 11 productions studio (selon que l’on rattache ou non les parutions de ELPowell et/ou du groupe Three) ils auront sorti 19 prestations en public... Et tous les fans s’accordent pour louer leurs qualités scèniques, qui donnent lieu à des variations, impros et autres collages inattendus, et donc très attendus des aficionados.
Ce Live at The Royal Albert Hall, enregistré “à la maison” - à Londres donc - en 1993, fait suite à la parution de Black Moon, album qui signait la reformation du trio après 14 années d’éloignement. Si ce dernier album studio n’avait pas emporté l’adhésion des anciens fans, il est l’occasion pour le groupe de refaire un survol de sa carrière. Et les choix sont ici plutôt judicieux car, si l’on pourra regretter l’absence totale de morceaux issus de Trilogy, et moins regretter la présence de titres de l’oubliable Love Beach, tous les autres albums sont représentés.
Mais qu’attendent les fans dans une production live d’ELP ? Principalement une réinterprétation des morceaux, si possible déjantée mais conforme à l’esprit original. Pari perdu pour les morceaux les plus récents que sont Black Moon et Paper Blood, trop fidèlement reproduits pour emporter l’adhésion. Par contre les retouches font mouche sur les titres plus anciens, des extraits de Tarkus à Knife Edge ou Pirates, morceau tenu de bout en bout dans une version non orchestrale qui parait meilleure, moins empesée que la VO de Works I. Quant aux impros, si elles paraissent vainement virtuoses dans Creole Dance (comme souvent lorsqu’Emerson est au piano solo en live...), elles font leur petit effet avec des délires électro très émersoniens dans Iconoclast, ou le Finale qui permet à Keith de s’amuser à intercaler des extraits classiques (Vol du Bourdon, Fugue en ré mineur pour orgue de Bach), pour le fun. On n’atteint pas la dimension hallucinée d’Aquatarkus dans le live de Welcome Back ..., mais le groupe montre ici son savoir-faire.
Mention spéciale à la partie centrale, avec un Roméo et Juliette plein d’allure, une dense interprétation acoustique de Still... You Turn Me On (mais avec une petite limitation de Greg qui coince un peu dans les aigüs) et surtout de Lucky Man, bien enrichi dans ses accompagnements aux claviers, et avec son impérial solo de synthé. Justice est rendue à ce titre magnifique !
En somme, ce Live at the Royal Albert Hall est un très bon survol de la carrière du trio, et une belle démonstration de ce que savait faire ELP en public. Un bon témoignage d’un groupe unique !