La présence du batteur Julien Ginez (aka Necrosis), actif également chez le très bon groupe de black metal Aorlhac, ne doit pas vous tromper : Aeterna Hystoria n'arpente pas le même caveau, quand bien même quelques grognements de bête en rut viennent par moments pimenter la recette qu'il concocte. Non, les Auvergnats cuisinent une sauce qu'ils souhaitent originale, à base de metal progressif et de touches symphoniques.
A l'origine simple démo gravée en 2008, Legends Of Ausphaal a droit aujourd'hui à une seconde peau : réenregistrement, mastering confié à Brett Caldas-Lima (To-Mera), adjonction de deux pistes supplémentaires et une sortie officielle via le jeune et éclectique label M & O Music (Gokan). Si l'album souffre encore de certaines maladresses que l'âge gommera avec le temps, il aurait été cependant dommage qu'il demeure derrière les barbelés de la confidentialité. Alors certes, tout n'y est pas parfait, à commencer par le chant de Liliane Bos qui, s'il n'a rien à se reprocher en lui-même, pourra paraître pénible à cause d"une prononciation anglaise parfois hésitante. Mais le groupe tente, à sa modeste mesure, de rénover, de dépoussiérer un genre fourre-tout, le metal à chanteuse, désormais aussi embouteillé que le périph' parisien à l'heure de pointe.
Précédé d'une intro narrative qui contribue à conférer à Legends of Ausphaal des allures de récits épiques, "Valdor's Plain" déroule son modelé apaisant avec ses lignes de guitares claires, ballade doucereuse rehaussée par l'ombre d'un violon élégant. Puis, brusquement, le titre empreinte une autre direction, plus grave où les voix caverneuses s'accouplent avec des vocalises théâtrales sur fond de socle progressif. Enfin, des notes de piano annonce une dernière partie où les six-cordes tricotent de jolis phrasés néo-classiques. Voilà donc un morceau très (trop ?) riche qui témoigne à la fois de la générosité de ses géniteurs mais aussi de leur volonté, pas encore totalement maîtrisée, d'empiler plusieurs strates en quelques minutes.
De la même manière, "The Flight" affiche une densité intéressante mais une fois de plus, la fluidité qui aurait permis d'atteindre sa cible lui fait défaut. Bref, Aeterna Hystoria pèche par excès d'ambition. Plus sobre, "Dream Or Magic", drainant des riffs incisifs, se veut plus réussi car son inspiration est davantage canalisée. Agrégeant un chapelet d'influences (prog, sympho, gothic...), "Struggle For Love " est enrichi de roulements de batterie militaire et d'une mélopée de flute discrète. L'ambiance est sombre, tragique même, bien véhiculée par la voix de Liliane que souligne le mur mélancolique dressé par les guitares et le violon. L'accélération finale, presque black, renoue avec les atmosphères ténébreuses du dark des années 90. Assurément un des meilleurs titres du lot malgré une entame maladroite.
"Lord Of War", pour sa part, fleurte avec le metal progressif tavelé de tâches orchestrales pour un ensemble pas toujours très digeste. On lui préférera l'épique "Larnoch Valley", long de huit minutes, où dialoguent la belle et la bête tandis que derrière, les musiciens creusent une topographie aux multiples couches, récit aux allures de BO riche en aventures. Le disque prend fin avec le triste "Aelia's Despair" suivi d'un épilogue acoustique aux couleurs médiévales, conclusion cependant pleine d'espoir de ces légendes mouvementées dont chaque titre forme un épisode.
Un album prometteur, un groupe qui ne l'est pas moins... Une très bonne découverte en définitive...